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  • etCollection = Philoséries
Les films et séries de super-héros présentent de nombreux systèmes, réels ou fictifs, de surveillance. Dans des sociétés postmodernes où ces dispositifs se multiplient et sont présentés comme les garants nécessaires de la sécurité, les œuvres de fictions illustrent également leurs dérives totalitaires possibles et, par-là, nous interrogent sur notre propre rapport à la surveillance. Qu’il s’agisse de moyens techniques, communicationnels ou informationnels, ces dispositifs semblent conçus pour la surveillance des citoyens au service de super-héros ou d’institutions. Ils s’inspirent du modèle du panoptique de Bentham, des formes de biopouvoir théorisées par Foucault et promeuvent l’illusion d’une « société transparente ». Nonobstant, ils questionnent également la tendance à l’inter-veillance des individus tout comme la demande croissante de sous-veillance des citoyens, détournant ou braconnant à leur tour les dispositifs. Dans cet article, l’analyse sémiopolitique d’un corpus de films et séries, permet de distinguer les différentes formes de dispositifs de surveillance et sécuritaires au service du pouvoir – et des supers – tout comme de questionner en quoi ces représentations sont aussi des formes de dénonciation qui explorent les failles et les fractures des dispositifs qui nous entourent et nous contraignent. Ainsi, les films et séries de super-héros questionnent l’évolution des rapports entre dispositifs de surveillance, institutions et technologies de l’information et de la communication dans les sociétés postmodernes. Plus encore, ces œuvres de fiction nous enjoignent de faire preuve de plus de réflexivité face aux injonctions contradictoires d’un désir croissant de sécurité qui se construit bien souvent aux dépens des libertés individuelles.
Au lendemain du 11 septembre 2001 surgissait sur nos écrans la série 24 heures chrono (2001-2014, Joel Surnow et Robert Cochran, Fox), qui mettait en scène l’agent spécial Jack Bauer (Kiefer Sutherland) en lutte contre le terrorisme. Série emblématique des années 2000, elle est la première expression d’un phénomène qui continue de se développer, à savoir le déploiement de la fiction comme outil d’analyse de la violence terroriste et comme véhicule de significations et de valeurs. Point d’origine post-traumatique du genre sécuritaire, 24 heures chrono, est toutefois plus abstraite, plus morale que sa descendance : plus philosophique peut-être.

24 heures chrono met en scène l’opposition entre les deux grandes théories morales que sont l’utilitarisme et le déontologisme autour de la question de savoir si la fin justifie ou non les moyens. Or certains critiques de 24 heures chrono, choqués en particulier par le traitement de la torture dans la série, lui reprochent de manipuler les spectateurs de façon à tous les transformer en utilitaristes assoiffés de torture, autrement dit à les déteriorer sur le plan moral et à les rendre mauvais. Je montre au contraire que 24 heures chrono rend son spectateur meilleur, ou du moins devrait le rendre meilleur, et m’appuie principalement pour ce faire sur la difficulté pour le déontologiste rigoureux de ne pas se rendre coupable de contradiction performative, notamment celle qui consiste à utiliser des arguments de structure utilitariste pour défendre une position déontologiste.

Phénomène phare de la culture populaire, les superhéros, apparus dans les comics états-uniens des années 1930, ont largement investi à partir des années 2000 les écrans à travers de multiples séries à la fois télévisées et cinématographiques, les films du genre trustant une bonne partie des premières places du box-office mondial. Mais les films et séries de superhéros ne sont pas seulement le prétexte au déploiement d’effets spéciaux et de scènes de combat spectaculaires, s’y déploie une intelligence que les articles de ce recueil, rédigés par des philosophes et des spécialistes issus de diverses disciplines, s’emploient à mettre en évidence.