Contribution
Cette contribution est issue de l’ouvrage collectif : Sylvie Allouche & Théo Touret-Dengreville (éd.), Sécurité et politique dans les séries de superhéros
1. Introduction
Superman, qui apparaît en 1938 sous la plume de Jerry Siegel et Joe Shuster, est considéré comme le premier superhéros. Il présente quatre caractéristiques distinctives : il a des superpouvoirs, un costume, une identité secrète et utilise ses superpouvoirs pour agir d’après des principes moraux (« truth, tolerance and justice » selon le premier épisode du serial Superman de 19481). De nombreux superhéros apparaîtront ensuite qui déclineront ces différentes caractéristiques sans nécessairement toutes les conserver. Ainsi les Fantastic Four n’ont pas d’identité secrète, Jessica Jones ne porte pas de costume, certains superhéros sont en fait parfois des supervilains, et si tous les superhéros ont des capacités particulières qui leur permettent d’accomplir des actions inaccessibles à un humain normal, ces capacités ont des formes et des sources très variées : elles peuvent être des capacités propres à la personne ou liées à l’utilisation de technologies, elles peuvent être innées ou acquises, résulter du hasard de la nature, d’un accident ou d’une volonté délibérée, exister sous forme de don ou provenir d’un entraînement, etc.
Je prendrai ici « superhéros » dans un sens large, dans la mesure où j’inclurai dans cette catégorie tout personnage doté de superpouvoirs, même quand il ne recourt pas à un costume spécifique pour accomplir ses actions ou à une identité secrète, ou qu’il ne se comporte pas de façon héroïque. Compte tenu de ma définition, j’inclurai donc dans ma réflexion, sans faire explicitement référence à toutes, les histoires (films ou séries) de superhéros officiels, issus notamment des univers DC et Marvel ; les fictions qui mettent en scène des personnages doués de superpouvoirs sans qu’elles reprennent nécessairement les autres codes superhéroïques ; les histoires de vampires où la question des superpouvoirs apparaît, comme c’est le cas par exemple de Buffy the Vampire Slayer ou de True Blood. Il est à noter qu’en dehors de Misfits, toutes les séries que j’évoquerai sont états-uniennes.
Si je laisserai en revanche de côté l’univers des mangas ainsi que les nombreuses séries animées qui existent2, il faut aussi dire quelques mots du lien entre les comics et les séries de superhéros. Beaucoup de séries de superhéros sont adaptées de comics, et même quand elles ne le sont pas, elles en sont la plupart du temps au moins inspirées, de façon explicite ou non. C’est le cas par exemple de la série Heroes, où l’hommage de la série aux comics apparaît sous différentes formes : police et mise en page des titres à la façon des comics et division des saisons en « volumes » ; 9th Wonders !, le comics dessiné par Isaac Mendez, l’un des « héros » de la série, joue un rôle clé dans l’histoire ; et, adoubement ultime, Stan Lee, le plus grand créateur de superhéros, fait un caméo dans l’épisode 16 de la saison 1, comme il l’a fait de nombreuses fois dans les adaptations de ses propres œuvres. Autre exemple : l’histoire de Buffy, après la fin de la série, se continue sous forme de comics qui sont considérés comme faisant partie du « canon » au même titre que les séries. Il peut apparaître du coup quelque peu artificiel de parler de superhéros dans les séries sans en parler dans les comics. Si l’on compare par exemple à Game of Thrones, ou Altered Carbon, qui sont des séries adaptées de romans, il y a en plus dans le comics la dimension d’image qui rapproche le comics de la série. La principale différence apparaît donc dans le fait que l’un des formats propose des images figées, sans son (celui-ci étant exprimé par des artifices visuels) tandis que l’autre propose des images mouvantes avec du son. Cela pose donc la question, qui entre dans le champ de l’esthétique et dont je ne traiterai pas, de ce que le format série apporte ou non par rapport au format comics, et des décalages éventuels entre l’original et son adaptation, ou, comme dans le cas de Buffy ou Watchmen, sa continuation.
Enfin, un autre élément qu’il me semble nécessaire de mentionner en préalable est le fait que, dans toute fiction, il existe deux types de points de vue sur le monde fictionnel : le monde tel qu’il est, tel qu’il se découvre à la fin de l’ensemble des histoires qui s’y produisent, éventuellement augmenté d’informations supplémentaires, comme des cartes, des généalogies, des sites web, des jeux vidéo, etc. ; et le monde tel que le récepteur le découvre au fur et à mesure de la linéarité de l’histoire telle qu’elle est racontée. Dans l’univers des comics, ces deux points de vue sont depuis longtemps en partie décorrélés du fait que différentes séries ont lieu dans le même univers diégétique (ce qu’instancient les réguliers « crossovers »), et que le lecteur peut ou non suivre l’ensemble des séries au fur et à mesure de leur publication, sachant qu’il est quasiment impossible, tellement la production est importante, d’avoir pris connaissance de l’ensemble des œuvres d’un univers. Le problème se pose aussi pour les séries audiovisuelles, notamment avec le Marvel Cinematic Universe (MCU) et ses multiples films et séries, mais dans une ampleur moindre dans la mesure où, compte tenu des coûts de production, la masse produite est moins importante que pour les comics (étant entendu que le MCU se présente plutôt comme une version alternative de l’univers des comics Marvel, contrairement à ce que nous évoquions à l’instant au sujet de Buffy ou Watchmen, où séries et comics sont en continuité). Ainsi par exemple, concernant l’arc narratif « Civil War » des comics Marvel, qui s’est déployé en 2006-2007 et sur lequel nous reviendrons au sujet de sa déclinaison dans le MCU, la page web Marvel officielle intitulée « Civil War : the Complete Event » répertorie non seulement les 7 comics qui portent effectivement le titre « Civil War », mais aussi tous les comics qui font intervenir des éléments en rapport avec cette intrigue, soit au total 97 volumes, certains remontant à 1998, avec un ordre de lecture conseillé différent de l’ordre de publication3.
2. With great power comes great responsibility
Le superhéros a des capacités supérieures à la normale, simplifions en « superpouvoirs ». Ces capacités peuvent être attachées à la personne même du superhéros ou provenir de technologies externes, elles peuvent être d’origine naturelle, accidentelle, ou volontaire, ces différents aspects étant susceptibles de se mélanger. Même si « pouvoir » s’entend en général pour les superhéros dans un sens individuel, nous allons nous employer à montrer que le superhéros est toujours aussi, du fait de ce rapport au « pouvoir », une figure politique. Mais, plutôt que d’examiner dans une perspective historique contextualisante, comme le fait par exemple William Blanc dans Les Super-héros. Une histoire politique, la façon dont « le genre super-héroïque a été pensé dès son origine comme un outil politique » et d’« explorer les discours politiques qui se cachent derrière le masque des surhumains »4, nous nous intéresserons à la façon dont, c’est notre thèse, l’idée même de superpouvoir conduit nécessairement au politique, par la façon dont elle pose, implicitement ou explicitement, les questions de savoir comment est distribué ce pouvoir, comment il est utilisé, qui décide de son utilisation, dans l’intérêt de qui, etc.
On pourrait objecter que les superhéros ne font pas tous de la politique. Beaucoup d’histoires de superhéros s’attachent surtout à leurs exploits et à leurs combats titanesques, ou certains se centrent sur des questions psychologiques, leurs actions ne prenant pas de dimension explicitement politique (ou seulement de façon superficielle, à la marge ou comme prétexte). Mais à mon sens, même en ce cas, la dimension est là, en puissance, et c’est un choix intradiégétique (du personnage) ou extradiégétique (de l’auteur) de ne pas traiter de questions politiques. Si les histoires se centrent parfois uniquement sur les aventures des superhéros (comme c’est le cas de The Incredible Hulk ou de la série britannique Misfits), la plupart des histoires superhéroïques, même si ce n’est pas le thème initial, finissent par interroger l’impact des superpouvoirs en termes politiques. Plus l’histoire avance, sauf si c’est une série purement formulaire (mais c’est rarement le cas, même The Incredible Hulk a une trame feuilletonnante), plus il est difficile de ne pas faire apparaître cette dimension politique intrinsèque.
« With great power comes great responsability ». Cette devise (et ses variations) manifeste la nature politique inhérente du superhéros. Introduite par Stan Lee en 1962 pour commenter la première apparition de Spider-Man dans Amazing Fantasy #15 (« With great power there must also come – great responsibility ! »), elle a une longue histoire politique derrière elle. Si on trouve des idées voisines dès l’Antiquité, c’est le Comité de salut public pendant la Révolution française qui signale lors de la Convention nationale du 7 mai 1793 que les représentants du peuple « doivent envisager qu’une grande responsabilité est la suite inséparable d’un grand pouvoir », l’idée étant ensuite reprise par de nombreux hommes politiques, dont Winston Churchill et Franklin Roosevelt parmi les plus célèbres. Dans l’univers des superhéros, l’idée apparaît déjà en 1948 dans le premier épisode du serial Superman que nous avons précédemment évoqué : « Your unique abilities make you a kind of superman. Because of these great powers, your speed and strength, your x-ray vision and supersensitive hearing, you have a great responsibility »5 dit ainsi Eben Kent à son fils adoptif Clark. Mais aussi marquante que soit cette phrase, elle demeure finalement assez vague sur ses implications. Lorsque le superhéros découvre ses superpouvoirs, au service de qui ou de quoi doit-il les mettre ? Au service de son intérêt propre ? De ses proches ? De sa communauté ? Mais quelle communauté ? Au service de ses semblables, s’il n’est pas le seul de son espèce ? Au service de l’humanité ? Ou d’un autre objectif, plus large encore, comme rétablir l’équilibre de l’univers à la façon de Thanos dans le MCU ? Alors qu’en 1948 Eben Kent explique à Clark que « the world needs a man of such extraordinary capabilities. That is why you must leave this farm. You must go where they can be best put to use »6, pour Jessica Jones en 2015, « Humanity sucks and they don’t deserve saving »7.
D’autres questions associées se posent encore au superhéros : est-ce lui qui décide individuellement de l’utilisation de ses superpouvoirs en fonction d’objectifs qu’il s’assigne lui-même ? Ou est-ce à d’autres de décider au moins en partie de cette utilisation ? La question est par exemple posée en creux dans le film Superman (1978) où le superhéros prend ses décisions seul, jusqu’à enfreindre l’interdit paternel de faire remonter le cours de l’histoire à la Terre pour éviter que Lois Lane ne meure. Dans Buffy the Vampire Slayer, cette question devient un élément important de l’histoire à travers la figure de Giles puis du Conseil des Observateurs. De façon générale se pose la question du rapport à la communauté qui s’établit quand des personnes dotées de capacités supérieures à la moyenne apparaissent. Quand le personnage est une exception, il semble être souvent plus facilement accepté (Superman, Spider-Man), même si la perception du superhéros peut évoluer (Dr Manhattan). De façon générale, la situation se complique quand les personnes dotées de pouvoirs supérieurs deviennent plus nombreuses. Un schéma récurrent est alors que certains humains normaux se sentent menacés. C’est le schéma qui structure le roman fondateur de science-fiction d’A.E. van Vogt, Slan initialement paru en feuilleton en 1940 dans Astounding Science-Fiction, où les Slans, qui sont une nouvelle espèce issue de l’humanité dotée notamment de pouvoirs télépathiques, sont pourchassés par les humains. On retrouve cette structure dans les X-Men qui apparaît pour la première fois sous la plume de Stan Lee et Jack Kirby en 1963, et qui reparaît ensuite sans arrêt dans les histoires de superhéros. Dès lors que les superhéros sont perçus comme des menaces potentielles, ceux-ci peuvent décider de prendre des mesures pour se protéger de l’hostilité des humains : outre les X-Men avec le professeur Xavier d’un côté, et Magnéto de l’autre, on retrouve cette problématique dans Heroes, The 4400 ou encore Agents of S.H.I.E.L.D.
3. Who watches the Watchmen ?
Parfois l’hostilité grandissante vis-à-vis des superhéros conduit à la mise en place de régulations plus ou moins coercitives les concernant. Ainsi, dans le comics Watchmen (Alan Moore et Dave Gibbons, 1986-1987), après une grève des policiers craignant la concurrence des aventuriers masqués, est passée en 1977 la loi Keene (Keene Act) qui interdit leur action, sauf s’ils sont au service du gouvernement américain. Adrian Veidt (Ozymandias) avait déjà abandonné ses activités de vigilante deux ans auparavant en révélant son identité. Daniel Dreiberg (Le Hibou II) cesse ses activités sans révéler son identité. L’identité de Spectre soyeux II, à savoir Laurie, fille de Sally Jupiter, était déjà connue : tout en restant au service du gouvernement américain, comme compagne du Dr Manhattan principalement (« It’s just that the only reason I’m kept around is to keep Jon relaxed and happy »8), elle abandonne ses activités de vigilante, qu’elle n’avait entamées que poussée par sa mère (« ten years running round in a stupid costume because my stupid mother wanted me to ! »9). Jon (Dr Manhattan) et Edward Blake (le Comédien) travaillent pour le gouvernement américain. Au moment où commence le comics Watchmen, seul Walter Kovacs (Rorschach) refuse de se plier à la loi Keene en poursuivant ses activités de vigilante indépendant qui font de lui un hors-la-loi. À la vision d’un superhéros qui assume individuellement les responsabilités que lui confèrent ses superpouvoirs, exprimée par la devise de Spider-Man, répond une phrase tout aussi célèbre qui manifeste la nécessité ressentie par une partie de la population que les actions des superhéros soient contrôlées : « Who watches the Watchmen ? »10.
On retrouve cette problématique dans The 4400, même si le dispositif initial est différent. En effet, l’une des premières personnes à manifester un pouvoir paranormal est le personnage d’Orson Bailey dont le don de télékinésie s’exprime spontanément au moment de crises de colère qui le conduisent à tuer involontairement quelqu’un. Dans le 13e et dernier épisode de la saison 2, le Dr Max Hudson explique aux agents du NTAC (« National Threat Assessment Command »), Tom Baldwin et Diana Skouris, comment huit semaines après l’arrivée de 4400, il a découvert que la source de leurs pouvoirs était un neurotransmetteur spécial appelé promicine. À la demande de Dennis Ryland, directeur du NTAC, et avec la validation du gouvernement américain, il avait alors développé un inhibiteur de la promicine, administré à leur insu aux 4400 chaque fois qu’ils venaient pour un check-up. Suite à ces révélations, Tom Baldwin et Diana Skouris dénoncent Ryland, qui se retrouve au début de la saison 3 à devoir s’expliquer devant le Congrès américain :
Le programme d’inhibiteur de la promicine était un effort international. Son but était d’empêcher l’avènement d’un monde dominé par une infime fraction de la population. En bref, nous faisions tout ce que nous pouvions pour empêcher les 4400 de développer des capacités extra-humaines. Nous croyions que sans le programme d’inhibiteur ces capacités apparaîtraient dans pratiquement tous les 4400, je ne pense pas avoir besoin d’expliquer à ce comité pourquoi ce serait une situation bien éloignée du scénario idéal. Du jour au lendemain, des êtres humains normaux comme vous et moi, et toutes les institutions sur lesquelles nous en sommes venus à compter, seraient obsolètes. Le programme n’était pas parfait, des gens sont tombés malades, certains sont morts, ce n’était pas notre intention, mais maintenant il est terminé, et l’avenir que nous essayions d’empêcher est là, et nous ne sommes pas prêts. Je crois que c’est au bout du compte une question de pouvoir. Qui va le détenir ? Nous ou eux ? Parce que, croyez-moi, ça en viendra au bout du compte à nous contre eux11.
Si, conformément au titre de la série, les personnes potentiellement dotées de superpouvoirs sont initialement au nombre de 4400, la découverte que leurs facultés paranormales sont en fait dues à la promicine ouvre la possibilité d’étendre le nombre de personnes dotées de superpouvoirs. Le gouvernement américain commence ainsi par développer en secret un programme de soldats améliorés grâce à la promicine, puis celle-ci est mise à disposition du public par Jordan Collier (saison 3), sachant qu’il y a une chance sur deux de mourir si on se l’injecte. Danny Farrell, après injection de la promicine, acquiert la capacité de la transmettre aux personnes qui se trouvent dans sa proximité immédiate, sur le mode d’une maladie contagieuse. Au bout du compte, environ 9000 personnes développent de nouvelles capacités grâce à leur exposition à la promicine et 9000 meurent, dont la mère de Danny. Danny demande à son frère Shawn de le tuer pour lui éviter de propager davantage la promicine et d’être responsable de la mort de milliers de personnes supplémentaires. Jordan Collier de son côté prend la tête de l’enclave de Seattle où se trouvent regroupées les personnes qui ont développé des superpouvoirs grâce à la promicine.
4. Les Accords de Sokovie
La question de la gestion politique des superpouvoirs, et en particulier celle du recensement des superhéros, est un thème qui a été plusieurs fois abordé dans l’univers Marvel à partir de 1980. Comme le signale Travis Langley :
Les publications de Marvel Comics mentionnent pour la première fois le concept dans Uncanny X-Men #141 sans faire référence à une loi de recensement jusqu’à Uncanny X-Men #181. […] Ce n’est pas avant 1989 que les histoires de Marvel Comics abordent la possibilité d’un recensement des individus dotés de superpouvoirs autres que les mutants, soulevant, traitant et réglant le problème (de façon temporaire), tout ça en deux mois. Après que le Congrès a proposé que soit mis en place un recensement des superhéros dans Fantastic Four #335 et demandé à Reed Richards, chef des Fantastic Four, de développer une technologie de détection des surhumains, Richards s’exprime devant un panel du Congrès dans le numéro suivant pour exposer le problème philosophique soulevé par une telle proposition et démontrer qu’il est sur le plan pratique purement et simplement impossible d’établir des critères opérationnels permettant de définir et de détecter n’importe quelle forme de superpouvoir (…)12.
Dans le Marvel Cinematic Universe, cette préoccupation revient à travers les Accords de Sokovie (« The Sokovia Accords – Framework for the Registration and Deployment of Enhanced Individuals »). Version MCU de la Loi de Recensement des Surhumains (Superhuman Registration Act) de la série de comics Civil War que nous avons évoquée en introduction, ces Accords ont pour but de mettre les actions des superhéros sous le contrôle d’instances politiques officielles, en particulier des Nations Unies. La décision de mettre en place cette législation naît du constat que les combats des superhéros provoquent régulièrement des dommages collatéraux qui remettent en cause le bien-fondé de leurs actions, comme lors des batailles de New York et de Sokovie ou de l’attaque de Lagos, où de nombreux civils ont trouvé la mort, auxquels s’ajoutent les destructions d’ordre matériel. Le document rédigé au nom des Nations Unies est ratifié par 117 pays (dont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Russie, le Wakanda, la Sokovie, la Chine, l’Inde, etc.), et il est demandé en outre que les individus concernés soient aussi signataires. Ces Accords sont au cœur du film Captain America : Civil War (2016) mais apparaissent dans de nombreux autres œuvres du MCU, en particulier dans la saison 4 de la série Agents of S.H.I.E.L.D., la dispute sur le texte menant à la « guerre civile » entre le groupe des superhéros favorable au texte, conduit par Iron Man, et celui qui lui est défavorable à la tête duquel se trouve Captain America.
Le texte porte sur les « individus améliorés » (« enhanced individuals »), c’est-à-dire les personnes, humaines ou non, dotées de capacités surhumaines, du fait de capacités corporelles propres ou par augmentation technologique externe, mais il vise aussi des individus comme Black Widow, qui n’a pas d’amélioration corporelle si ce n’est un entraînement particulièrement poussé. Il est demandé aux individus concernés de s’enregistrer auprès des Nations Unies en révélant leur identité secrète quand ils en ont une, de fournir leurs données biométriques (empreintes digitales, ADN, etc.). La nature exacte de leurs pouvoirs doit être évaluée de façon à la classer selon sa dangerosité, et ils doivent porter un bracelet qui permet de savoir en permanence où ils se trouvent. Ils ne doivent plus entreprendre d’action dans un pays étranger sans l’autorisation des Nations Unies ou celle des responsables politiques du pays concerné. Ceux qui continuent à mener des actions en dehors de ces limites sont réputés hors-la-loi et se soumettent au risque d’être poursuivis et détenus sans bénéficier de procès. Dernier aspect à mentionner : la création d’intelligences artificielles douées de conscience de soi est totalement interdite, suite au désastre provoqué par Ultron.
Même s’ils sont loin d’être sans défauts, comme nous allons le voir, les Accords de Sokovie constituent l’une des formes fictionnelles les plus intéressantes de la réflexion sur la façon dont l’existence de superpouvoirs pourrait donner lieu à une régulation, notamment du fait des discussions qu’ils ont suscitées dans l’univers du MCU et en dehors. C’est ainsi par exemple que Travis Clark et Carrie Wittmer débattent en 2018 pour savoir qui d’Iron Man ou de Captain America a raison après avoir expliqué que « The debate between Cap and Tony sparked heated debates between the biggest MCU fans on Business Insider’s entertainment team »13.
Plusieurs juristes pointent avec humour les limites des Accords. Beaucoup soulignent, comme LegalEagle dans sa vidéo « Laws Broken : Avengers – Sokovia Accords Illegal ? »14 que les Accords violent assez largement la Constitution américaine, et par conséquent ne pourraient en fait pas entrer en vigueur aux États-Unis. Josh Gilliland dans « Why the Sokovia Accords are Unconstitutional » donne du coup raison à Captain America dans son refus de souscrire à ces Accords : « The gross civil rights violations are reason enough for Captain America to go rogue »15. Min Namgung de son côté exprime dans « Superhumans and The Sokovia Accords : A Constitutional Disaster ? » ses doutes sur le fait que ces accords aient même pu être signés par 117 pays : « the contents of the Accords itself discuss rather blatant human rights violations and it seems difficult to imagine that the fictional United Nations was able to earn 117 signatures for this treaty »16. Prachi Tadsare, dans « The Sokovia Accords and Popular Culture’s Effect on Perceptions of International Law », s’intéresse plus généralement à la façon dont les Accords de Sokovie reflètent la perception commune du droit international : « So what do narrative choices in popular culture tell us about the common understanding of international law ? »17.
Le fait que la formulation des Accords soit contraire, par de nombreux aspects, à la Constitution américaine et plus généralement aux Droits de l’homme suscite plusieurs questions. Comme le soulignent divers commentateurs, l’intérêt de cette séquence vient des questions philosophiques fondamentales qu’elle soulève. C’est ce qu’explique par exemple Mark D. White, à la fin de son introduction à A philosopher reads … Marvel Comics Civil War. Exploring the Moral Judgment of Captain America, Iron Man, and Spider-Man :
La ligne narrative de Civil War ne semble jamais passer de mode, en grande partie en raison du problème qui est en son cœur : des conflits entre des principes importants, qu’il s’agisse des grands principes sociétaux de liberté, de confidentialité et de sécurité, ou des principes plus personnels de devoir, de loyauté et de souci des autres. La façon dont nous équilibrons ces principes dans nos vies personnelles, publiques et politiques est un sujet sur lequel ce philosophe adore écrire, et Civil War lui donne l’occasion idéale d’en discuter avec vous. Du côté de qui êtes-vous18 ?
Stan Lee lui-même développe une idée analogue dans la préface d’un autre livre :
Qui a raison – Captain America, le héros sacrificiel, ou Iron Man, le profiteur de guerre ? Ils ont tous les deux raison. Je pense qu’il est possible d’être toutes sortes de gens différents avec des personnalités différentes et vous pouvez avoir tous raison. Le fait est que tous les deux font de bonnes choses. Tous les deux sont bons pour les autres et rendent le monde meilleur chacun à sa manière. Lequel je soutiens dépend de la façon dont vous les positionnez dans l’histoire19.
Cependant, on peut se demander si la problématique n’aurait pas été mieux traitée si les mesures présentes dans les Accords n’avaient pas été formulées de façon plus acceptable. S’agit-il seulement d’une maladresse de la part des scénaristes, qui n’ont pas de prétention particulière à formuler des règles de droit vraisemblables ? S’agit-il de donner implicitement raison à Captain America ? À l’intérieur de l’histoire se pose notamment la question de la façon dont les textes ont été élaborés. Del Bharath interroge ainsi les modalités de leur rédaction dans un article paru dans la revue Public Integrity :
Les Accords de Sokovie ont été créés pour réguler les Avengers et empêcher davantage de destruction. Cependant, tous les Avengers n’ont pas été consultés lors de la rédaction de la réglementation, et il y a des vues différentes, qui s’opposent de façon polaire, sur les Accords. L’approche descendante du gouvernement (et de Stark) n’a pas permis au groupe d’apporter sa contribution. Si le groupe avait été consulté lors de l’élaboration de la réglementation, une approche ascendante aurait pu être utilisée pour parvenir à un accord plus acceptable, comme mis en évidence lorsque Rogers interroge Stark au sujet de la contribution potentielle des Avengers sur les décisions clés si les Accords étaient mis en place20.
Il semble du coup qu’il soit nécessaire ici de faire la distinction entre les Accords de Sokovie tels qu’ils ont été effectivement rédigés, et la question générale de savoir si les superhéros, les êtres dotés de superpouvoirs et les vigilante doivent faire l’objet d’une régulation et de quelle nature.
5. Distribution des superpouvoirs
Mais la réponse à apporter ne sera sans doute pas la même selon la nature des superpouvoirs en cause, le nombre de personnes qui en sont dotées, ce nombre étant lui-même parfois amené à varier, puisqu’il constitue souvent un enjeu de l’intrigue. On finit en effet régulièrement par découvrir que les superpouvoirs font déjà ou sont susceptibles de faire l’objet de manipulations artificielles, ce qui ouvre la porte à une extension des superpouvoirs à d’autres individus. Nous avons déjà vu comment cette problématique avait été traitée dans The 4400. Mais les autres séries qui abordent la question sont nombreuses.
Ainsi, dans Buffy the Vampire Slayer, initialement, seule l’héroïne éponyme a des superpouvoirs en dehors des démons et vampires. Mais on découvre qu’elle n’est pas la seule Tueuse, et qu’il y a des Tueuses potentielles : lorsque la Tueuse en titre meurt, l’une des Tueuses potentielles est « activée » pour devenir la nouvelle Tueuse. Ainsi, lorsque Buffy meurt (temporairement), une nouvelle Tueuse est activée, Kendra, et lorsque celle-ci meurt, c’est Faith qui est activée. Comme il y a en fait des centaines de Tueuses potentielles, Buffy et ses amis, le Scooby Gang, trouvent un moyen d’activer l’ensemble de celles-ci, ce qui est réalisé dans le dernier épisode de la série (saison 7, épisode 22, « Chosen ») : grâce à un sort jeté par Willow qui libère le pouvoir contenu dans une faux magique, le pouvoir des Tueuses n’est plus réservé à l’une d’entre elles seulement, mais est distribué à toutes les Tueuses potentielles. D’après le premier comic book de la saison 8, il y a suite à la distribution du pouvoir 1800 Tueuses recensées dont 500 qui travaillent avec le Scooby Gang21. Cette multiplication du nombre de Tueuses conduit d’ailleurs dans la suite des comics certaines personnes à questionner leur statut dans la société, à réfléchir aux moyens de les canaliser, voire à l’opportunité de les éliminer.
Dans Dark Angel, les personnages dotés de superpouvoirs résultent de manipulations génétiques réalisées dans le cadre de Manticore, programme secret du gouvernement états-unien dont le but est de créer des super-soldats. Ils sont au nombre de quelques dizaines, peut-être une centaine au final, même si seuls 20 à 30 d’entre eux, surtout issus de la série X-5, sont clairement identifiés et nommés. La série télévisée ayant été prématurément interrompue au bout de deux saisons, peut-être que ces chiffres auraient eu l’occasion de varier, mais le fait que les superpouvoirs résultent de modifications génétiques réalisées au moment de la conception même des individus rend la possibilité d’étendre largement les superpouvoirs à d’autres individus relativement réduite par rapport aux autres technologies imaginées dans d’autres séries.
Dans Heroes, si on suit la liste établie sur heroes.fandom.com, les « humains évolués » (« evolved humans ») identifiés seraient entre 300 et 40022. Comme dans The 4400, il existe cependant un moyen biomédical de transformer les individus normaux en superhéros, appelé « formule ». Dans le futur qui ouvre la saison 3, l’existence des humains évolués a été révélée, et la formule a été mise à disposition du public, le nombre d’humains évolués est donc largement supérieur, c’est cependant un futur dépeint comme très sombre où existe une guerre ouverte entre humains normaux et évolués. Dans Heroes, comme dans The 4400 à nouveau, il y a un moyen de supprimer les pouvoirs : en l’occurrence, il s’agit du virus Shanti, qui peut lui-même être éliminé grâce aux anticorps qui se trouvent dans le sang de Mohinder Suresh (de la même façon que dans The 4400 le sang d’Isabelle Tyler permet de contrer les effets de l’inhibiteur de promicine).
Dans l’univers Marvel, le nombre de superhéros répertoriés est plus important : il n’est qu’à voir la liste de 2702 personnages Marvel proposée sur le site Marvel officiel23. Si dans cet univers expansif, toutes les configurations en matière de sources de superpouvoirs sont envisagées (origine accidentelle avec Spider-Man, technologique avec Iron Man, entraînement avec Black Widow, mutation avec les X-Men, etc.), une partie des superhéros sont des « Inhumains », cette ligne narrative étant plus particulièrement explorée dans le MCU par la série Agents of S.H.I.E.L.D. Il y a plus de 5000 ans, des extraterrestres Kree ont entrepris de conduire des manipulations génétiques sur les êtres humains susceptibles de donner naissance à des superpouvoirs latents. Les modifications génétiques ainsi produites se sont naturellement transmises d’une génération à l’autre, mais ne peuvent être éveillées que lorsqu’un Inhumain est exposé à la brume produite par des cristaux terrigènes dont il reste quelques exemplaires sur Terre. Dans l’épisode 22 qui clôt la saison 2, une suite de divers rebondissements conduit un lot de cristaux à entrer dans la composition de pilules d’huile de poisson, après être tombé accidentellement dans l’océan. Leur nombre est limité mais permet dans la saison 3 à divers Inhumains de réveiller leurs capacités latentes.
Dans la série The Boys, adaptée d’un comics créé par Garth Ennis et Darick Robertson (2006-2012 et 2020), les superpouvoirs des superhéros sont présentés initialement comme étant d’origine naturelle, ou un signe d’élection divine selon le discours tenu à Starlight par sa mère, mais Starlight et les Boys finissent par apprendre que ces superpouvoirs n’ont en fait rien de naturel et résultent de l’injection d’un certain composé V, créé par Frederick Vought, à la suite de recherches qu’il a conduites au sein du IIIe Reich, puis aux États-Unis. Samaritan’s Embrace, une organisation caritative, est utilisée pour administrer secrètement le composé à des femmes enceintes et des nouveaux-nés partout aux États-Unis de façon à maintenir l’illusion que les superpouvoirs sont le résultat de mutations génétiques naturelles. Comme dans le cas de Starlight, le consentement des parents peut être sollicité. Dans la série, Ryan, le fils de Homelander, est le seul personnage connu à disposer de pouvoirs par transmission génétique, et non par exposition au composé V. Il y a par ailleurs près d’une centaine de « supes » qui sont connus, mais le contexte général suggère qu’il y en a bien plus.
Dans Misfits, les superpouvoirs apparaissent chez des individus qui ont été touchés par la foudre à l’occasion d’un orage. Plusieurs dizaines de personnes semblent concernées, mais en dépit du fait que les pouvoirs sont susceptibles d’être transmis d’une personne à l’autre, et conformément à l’orientation générale de la série, qui en reste essentiellement aux destinées individuelles des personnages et à leurs relations, la question d’une éventuelle extension de ces pouvoirs à une partie plus importante de l’humanité n’est guère développée, contrairement à la plupart des autres histoires de superhéros. Selon un arc narratif récurrent – c’est le côté « Bildungsroman » des histoires de superhéros –, et sur lequel nous ne nous étendrons pas, le spectateur découvre en même temps que les superhéros leurs superpouvoirs, et une partie importante de l’intrigue consiste dans l’évolution des réactions du superhéros à ses pouvoirs : les a-t-il initialement recherchés ? Les embrasse-t-il d’emblée ? En est-il effrayé ? Parvient-il à les maîtriser ? Voudrait-il, au moins à certains moments, en être débarrassé ? Etc.
6. Humanité du Dr Manhattan
Dans le comics Watchmen (1986-1987), et sa suite sous forme de série (2019), la question politique est absolument centrale, tant pour l’intrigue générale que pour les intrigues secondaires : dans le comics, il s’agit d’éviter la Troisième Guerre mondiale, et dans la série, de la persistance du racisme aux États-Unis. La configuration que prend la question de la politique des superpouvoirs dans Watchmen est tout à fait singulière, puisqu’il n’y a en fait qu’un seul personnage qui a réellement des superpouvoirs, mais autre point singulier, ces pouvoirs sont particulièrement importants. Jonathan Osterman, chercheur en physique nucléaire se retrouve en effet suite à un accident de laboratoire transformé en 1959 en un être très puissant qui prend le nom de Dr Manhattan, capable de transformer et de transporter instantanément la matière, et qui expérimente en permanence de façon simultanée l’ensemble des événements de sa vie, y compris ceux antérieurs à sa transformation. Le Dr Manhattan est un personnage très intéressant du fait des enjeux politiques, moraux, métaphysiques et esthétiques qu’il soulève.
Un premier impact de la transformation du Dr Manhattan concerne le plan moral, et le lecteur le découvre dès sa première rencontre avec le personnage. Dans le chapitre i en effet, lorsque Rorschach entreprend de prévenir les différents « aventuriers masqués » de la mort du Comédien, et notamment le Dr Manhattan, il note son peu de réaction (« Take it you’re not too concerned about Blake’s death »), ce à quoi le Dr Manhattan répond : « A live body and a dead body contain the same number of particles. Structurally, there’s no discernible difference. Life and death are unquantifiable abstracts. Why should I be concerned ? »24. Le fait que la transformation de Jon en Dr Manhattan ait à peu près annihilé son sens moral (à moins qu’il n’en ait jamais eu ?) semble confirmé lorsque, dans la récapitulation de sa vie au chapitre iv, il mentionne ses actions de lutte contre le crime : « The newspapers call me a crimefighter, so the Pentagon says I must fight crime. In Moloch’s underground vice-den, the sighs turn to screams of terror. / The morality of my activities escapes me »25. Cependant, le Dr Manhattan n’est pas indifférent à toute forme de moralité, puisque par exemple dans le chapitre ii, il s’est efforcé de dissuader Blake de tuer une femme vietnamienne enceinte de lui qui vient de le blesser au visage (« Blake ? / Blake, don’t… / … do it. ») et le lui reproche une fois que l’acte est accompli : « Blake, she was pregnant. You gunned her down »26.
D’autres éléments confirment que la transformation du Dr Manhattan n’a pas annihilé toute humanité en lui. Ainsi, lorsque le comics commence, il se révèle doté encore de curiosité, puisqu’il continue de mener des travaux de recherche en physique des particules, et préfère même continuer ses travaux plutôt que de se joindre au dîner avec Daniel Dreiberg que Laurie compte programmer : « I’d join you, but I think I’m close to locating a gluino, which would completely validate supersymmetrical theory if we could include it in the bestiary »27.
Le Dr Manhattan, comme le montre la séquence de l’émission télévisée qui tourne mal au chapitre iii, est susceptible de se sentir submergé et de se mettre en colère28. Surtout, il demeure impliqué dans des relations sentimentales tout au long de sa vie : ainsi, après avoir passé une quinzaine d’années de vie commune avec Janey Slater, qu’il avait rencontrée avant de devenir Dr Manhattan, il se met en couple avec Laurie pour une vingtaine d’années, et lorsque ce changement se produit, il est bien attiré par elle : « A very young girl sits to my right. She looks at me and smiles… (…) She’s beautiful »29. Lorsqu’il ramène Laurie sur Mars après leur rupture, il lui fait d’ailleurs remarquer : « I said, often, that you were my only link, my only concern with the world. / When you left me, I left Earth, does that not say something ? »30. Dans la série, on découvrira qu’il s’est à nouveau impliqué dans une relation sentimentale plusieurs années après sa rupture avec Laurie.
C’est surtout dans la façon de rendre compte de la perception du temps du Dr Manhattan que le comics nous permet de toucher du doigt l’étrangeté de sa subjectivité. La structure très complexe du comics, multipliant les points de vue narratifs et mêlant événements racontés selon une ligne temporelle principale, des flashbacks, des lignes parallèles, des extraits de journaux ou de comics, s’y prête particulièrement bien. Les moments où c’est le point de vue de Jon qui est adopté (parole ou pensée) sont mis en évidence par le fond bleu de ses bulles. Le chapitre iv, où Jon s’est téléporté sur Mars suite à sa rupture avec Laurie, est celui où l’étrangeté de sa subjectivité est explorée avec le plus de précision. Jon est sur Mars, mais vit en même temps non seulement les différents événements de sa vie passée mais aussi de sa vie à venir, qu’ils soient lointain ou proches : « In twelve seconds time, I drop the photograph to the sand at my feet, walking away. It’s already lying there, twelve seconds into the future (…). It’s October, 1985. I’m on Mars. It’s July, 1959. I’m in New Jersey, at the Palisades Amusement Park »31. On retrouve Jon sur Mars au chapitre ix, où il a emmené Laurie, et où il explique sa perception du temps : « Time is simultaneous, an intricately structured jewel that humans insist on viewing one edge at a time, when the whole design is visible in every facet »32.
Le décalage créé avec la perception linéaire du temps des humains et en particulier de ses compagnes permet de souligner l’étrangeté de sa perception, lorsque de temps en temps Jon leur donne une idée du futur qui les attend. Ainsi, dans le chapitre iv, il explique à Janey Slater : « In 1959, I could hear you shouting, here, now, in 1963. Soon, we make love… ». Janey est vexée (« Just like that ? Like I’m a puppet ? »), mais la suite de la page montre que Jon avait raison33.
L’une des scènes les plus intéressantes pour saisir le caractère étrange de la subjectivité du Dr Manhattan se situe dans le chapitre ix quand Laurie fait savoir à Jon qu’elle a entamé une relation amoureuse avec Daniel Dreiberg. Jon commence par lui dire que la conversation va commencer par cette révélation : « It commences when you surprise me with the information that you and Dreiberg have been sleeping together ». Laurie lui demande : « Y… You know about me and Dan ? », ce à quoi il répond « No. Not yet. But in a few moments you’re going to tell me »34. La conversation continue et deux pages plus loin, Laurie explique : « I mean, with Dan, it isn’t like that. As a lover he’s more sort of receptive ; the type you can pour your troubles out to… ». Jon manifeste alors sa surprise : « You mean that you’re sleeping with Dreiberg ? ». La difficulté tient à la façon dont Jon a l’air de comprendre l’idée de savoir. Dès lors qu’il expérimente en permanence l’ensemble des moments de sa vie, ne sait-il pas dans le passé tout ce qu’il apprend dans le futur ? Lorsqu’il dit à Laurie qu’elle va lui révéler sa relation avec Dreiberg, comment peut-il dire qu’il n’a pas encore connaissance de cette relation, puisqu’il vient d’en parler ? Le lecteur est, comme Laurie, et les autres interlocuteurs du Dr Manhattan, confronté à l’impossibilité de saisir de façon totalement claire sa perception alternative du temps, alors que lui-même semble ne pas voir la difficulté à dire qu’il ne sait pas encore une information qu’il vient de communiquer à Laurie. Une piste d’interprétation consiste peut-être à dire que, même si Jon perçoit tous les événements de sa vie de façon simultanée, reste que l’ordre qui préside aux relations causales demeure respecté, il y a donc bien du point de vue causal des événements antérieurs à d’autres, ce qui fait que même s’il les perçoit tous de façon simultanée, il peut dire à Laurie qu’il ne sait « pas encore » (« not yet ») qu’une relation amoureuse avec Dreiberg a démarré.
7. Agentivité du Dr Manhattan
Ce rapport singulier au monde, et spécifiquement au temps, du Dr Manhattan pose la question plus générale de son agentivité. Dans le chapitre iii, il *sait* que Laurie va rompre avec lui quand elle va s’apercevoir qu’il continue ses expériences pendant qu’il est au lit avec elle, mais les conduit malgré tout. Dans le chapitre iv, Janey interroge Jon dans un *flash-back* au sujet du meurtre de Kennedy : « So, what you’re saying is you knew he’d get shot ? / Jon, I… I mean if you’re serious, I mean, why didn’t you do something ? »35. Cela veut-il dire que l’espèce de savoir que Jon possède du futur n’affecte en rien ses actions antérieures ? Non, car c’est précisément sur la base de l’expérience qu’il a par avance de l’échange crucial qu’il va avoir avec Laurie qu’il vient la chercher à la fin du chapitre viii : « An hour into my future we’re on Mars, talking. I thought I’d collect you in readiness »36. De même, dans l’épisode 8 de la série, il va voir en 2009 le grand-père d’Angela Abar parce qu’il expérimente déjà la conversation qu’il va avoir avec lui. Et, plus intéressant encore, lorsque Angela demande en 2019 à Jon de poser une question à son grand-père durant cette conversation, Jon est capable de le faire, initiant du coup une sorte de paradoxe temporel. Il apparaît donc que l’expérience qu’a Jon du futur peut avoir un impact sur ses actions antérieures, mais les rares fois où cela semble arriver, la motivation mise en avant par Jon n’est pas qu’il prend une décision, qu’il fait donc preuve d’agentivité, mais le fait qu’il est déjà en train d’expérimenter ce futur déterminé.
Or ce déficit d’agentivité du Dr Manhattan ne concerne pas seulement les actions qu’il entreprend ou pourrait entreprendre sur la base de son expérience du futur, ce déficit pouvant s’expliquer par l’étrangeté métaphysique de sa situation, et notamment le risque qu’il court de susciter des paradoxes temporels. Même lorsque son action pourrait s’inscrire dans le temps en respectant le principe de causalité, son indifférence globale au monde constitue elle-même un frein. Ainsi, comme le souligne le Comédien après avoir tué la vietnamienne enceinte de lui en présence du Dr Manhattan :
T’as regardé. T’aurais pu changer le pistolet en vapeur ou les balles en mercure ou la bouteille en flocons de neige ! T’aurais pu téléporter l’un d’entre nous en foutue Australie… … mais t’as pas levé le petit doigt ! / Tu te fiches pas mal des êtres humains. Je t’ai observé. / Tu t’es jamais vraiment soucié de, c’est quoi son nom, Janey Slater, même avant de la laisser tomber. / Bientôt, tu t’intéresseras plus à la petite de Sally Jupiter. / T’a largué les amarres, Doc. / Tu te transformes en flocon. / Que Dieu nous vienne en aide37.
Quoi qu’il en soit, l’étendue des pouvoirs du Dr Manhattan est telle qu’il a un impact très important sur l’évolution du monde, au point de créer une bifurcation historique majeure, qui fait que Watchmen dépeint en fait un univers uchronique. Le Dr Manhattan permet en effet aux États-Unis de gagner la guerre du Vietnam : « In January 1971, President Nixon is asking me to intervene in Vietnam (…) It’s May. I have been here two months. / The Vietcong are expected to surrender within the week »38. Suite à cette victoire, Richard Nixon est non seulement réélu en 1972, mais il fait abroger le 22e amendement à la Constitution des États-Unis, ce qui lui permet d’être réélu de multiples fois et d’être encore président en 1985 au moment où démarre le comics. Et Robert Redford, qui succède à Nixon au poste de président des États-Unis, a lui aussi été réélu de multiples fois lorsque la série démarre en 2019 en temps intradiégétique.
Mais malgré l’étendue de ses pouvoirs, le Dr Manhattan ne semble pas avoir de réflexion morale ou politique indépendante, ni du coup entreprendre d’actions informées par une telle réflexion, les moments où il paraît agir de façon autonome se résumant pour l’essentiel à ses recherches scientifiques et ses relations amoureuses. Il ne remet ainsi jamais en cause son allégeance au gouvernement américain, ne questionne jamais les décisions que ce dernier prend, manifeste à plusieurs reprises qu’il accepte d’être utilisé comme un outil au service de celui-ci, sans se préoccuper des tenants et des aboutissants. Mais il ne se présente pas pour autant comme un patriote. Il s’agit le concernant plutôt d’indifférence, et même de passivité politique. Deux moments où il donne l’impression d’être un peu plus proactif font peut-être exception. Le premier est celui où il va chercher Laurie pour lui demander de lui expliquer pourquoi le monde mérite d’être sauvé : « You’re going to try to convince me to save the world »39. Pourquoi le fait-il ? La raison qu’il donne, comme on l’a déjà vu, est qu’il sait qu’il va avoir cette discussion avec Laurie, ce qui n’est pas un motif à proprement parler. Le deuxième moment, qu’on peut considérer comme plus significatif, est lorsqu’il prend la décision de tuer Rorschach pour l’empêcher de divulguer le plan secret d’Adrian Veidt40. Mais même en ce cas, il vient en fait de se laisser convaincre par ce dernier de se rendre complice de sa manipulation. À aucun moment on ne le voit développer sa propre réflexion ou prendre une décision d’action hors de toute influence, contrairement aux autre personnages. Autrement dit, le Dr Manhattan ne semble nullement assumer, du moins de façon individuelle, la devise superhéroïque « With great powers comes great responsibility », et s’en remet pour ses décisions politiques au gouvernement américain ou à l’influence de tierces personnes, quand il ne fuit pas cette responsabilité en s’installant sur Mars ou en se cachant, y compris à lui-même, sous une autre identité (dans la série). Cette passivité générale sera d’ailleurs au cœur de l’intrigue de la série, à travers notamment les tentatives du sénateur Joe Keene et de Lady Trieu de lui voler ses pouvoirs afin de mettre en œuvre leurs propres versions du monde amélioré.
Dans le texte qui clôt le chapitre iv, « Dr. Manhattan : Super-powers and the Superpowers », l’impact politique de l’apparition du Dr Manhattan est analysé à travers un court essai écrit par le Dr Milton Glass, qui dirigeait le laboratoire où Jon est devenu le Dr Manhattan. Le texte pose la question du lien entre l’existence de superpouvoirs et le pouvoir au sens politique, qui est précisément l’objet de notre réflexion. L’essai commence par signaler le vide de la rhétorique qui a consisté à parler de la Seconde Guerre mondiale ou de l’arme atomique comme de moyens de mettre fin à la guerre (« The wars to end wars, the weapons to end wars, these things have failed us »41), les guerres persistant partout dans le monde, et la simple sécurité des activités quotidiennes n’étant elle-même pas assurée, autrement dit « la guerre de tous contre tous » étant toujours d’actualité, y compris à l’intérieur des États constitués. Après ce constat désenchanté, Glass en vient plus précisément au Dr Manhattan (« Now we have a man to end wars »), la question posée étant la suivante : les États-Unis et plus largement l’humanité ont-ils raison de placer désormais leurs espoirs dans le Dr Manhattan pour assurer une paix définitive ? Le Dr Glass semble en tous cas considérer comme allant de soi que pour comprendre l’impact du Dr Manhattan sur le monde, ce n’est pas en tant qu’agent moral indépendant qu’il faut le prendre, mais comme analogue d’une arme. Il rappelle l’enchaînement d’événements qui a conduit à l’apparition du Dr Manhattan et signale ensuite qu’il conteste la croyance communément répandue selon laquelle le Dr Manhattan constituerait un élément propre à prévenir une guerre nucléaire entre les États-Unis et l’URSS, en tant qu’arme de dissuasion décisive. Il reproche à l’administration en place d’avoir trop confiance dans ce pouvoir dissuasif du Dr Manhattan, ce qui la conduit à menacer toujours davantage les intérêts soviétiques. Or selon lui les Soviétiques ont bien moins peur de la destruction mutuelle assurée que les États-Unis et pourraient, poussés dans leurs retranchements, choisir cette solution plutôt que de subir la domination américaine. Le Dr Glass appuie son argumentaire final en soulignant le fait que l’impact du Dr Manhattan est en réalité beaucoup plus global compte tenu de sa nature surhumaine :
La technologie rendue possible par le Dr Manhattan a changé notre façon de penser à nos vêtements, notre nourriture, nos voyages. Nous roulons dans des voitures électriques et voyageons pour le plaisir en tout confort dans des dirigeables propres et économiques. Notre culture tout entière a dû se contorsionner pour s’adapter à la présence de quelque chose de plus qu’humain, et nous en avons senti les résultats42.
8. Politique de l’inégalité
Pendant longtemps, les théories politiques, de la tradition occidentale du moins, ont été, implicitement ou non, fondées sur l’idée qu’il y a des êtres avec lesquels la relation politique est susceptible de faire sens et pas d’autres, cette relation s’établissant entre êtres humains individuels et groupes d’êtres humains, les choses inanimées, les plantes ou les animaux en étant exclus. Pour l’expliquer, on peut se référer au mythe de Protagoras qui apparaît dans le dialogue éponyme de Platon ou à la célèbre raison exposée par Aristote au début des Politiques, à savoir que l’homme est un animal, certes, mais un animal politique, parce qu’il a accès au logos, et donc à la possibilité de manifester ses impressions sur « l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste » :
C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. [11] Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. [12] Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste et des autres \
Même si les progrès des connaissances sur la communication animale remettent en question certaines affirmations d’Aristote, le présupposé anthropocentrique dont il fait état reste valable pour l’ensemble des théories politiques traditionnelles, qu’elles relèvent du naturalisme ou du contractualisme politique qui a émergé au xviie siècle, selon lequel les associations politiques résultent d’un contrat qui fait sortir les contractants d’un état de nature apolitique antérieur. Ce n’est que très récemment, par exemple avec Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights de Sue Donaldson et Will Kymlicka que la possibilité d’un contrat étendu aux animaux a été sérieusement prise en considération, les auteurs partant du même constat que nous, qui est en fait déjà celui d’Aristote :
La présupposition de la plupart des théories politiques occidentales contemporaines courantes est que la communauté de la justice est coextensive à la communauté des êtres humains. (…) pourquoi juste les humains44 ?
Mais, alors que chez Aristote il s’agit juste d’un constat à brièvement expliquer avant de passer au propos principal qui consiste à examiner le fonctionnement des ensembles politiques, le propos de Zoopolis est justement de contester le bien-fondé de l’exclusion des animaux de la communauté politique, en souscrivant notamment à la théorie du droit des animaux selon laquelle les droits de l’homme « sont dus à tous les êtres conscients ou sentients, humains ou animaux »45.
Dans la première section de leur deuxième chapitre intitulée « Animal Selves », les auteurs examinent différents arguments utilisés pour contester cette extension, en particulier les arguments selon lesquels les droits inviolables ne sont dus qu’aux personnes, conformément à l’hypothèse selon laquelle les personnes seraient dotées d’une capacité supplémentaire au fait d’être sentient qui justifierait qu’elles soient seules bénéficiaires de ce genre de droits. Pour déterminer la nature de cette capacité spécifique, des arguments qui remontent en fait à Aristote (sans qu’il ne soit jamais cité dans cette section, ou pour autant que je puisse dire ailleurs dans le livre) sont mentionnés :
Certains en appellent au langage, d’autres à la capacité de raisonnement abstrait ou de planification à long terme, d’autres encore en appellent à la capacité de culture ou de conclure des accords moraux46.
Les deux premières capacités étant vite écartées sur la base de travaux antérieurs, Donaldson et Kymlicka reviennent plus en détail sur la dernière :
On pourrait essayer de surmonter cela en élevant la barre de la personnité [personhood] de façon qu’elle exige non seulement le langage ou la planification, mais, disons, la capacité à se livrer à une argumentation morale raisonnée et à s’engager à respecter les principes atteints par une telle argumentation. Dans cette perspective, la personnité exige l’aptitude à articuler ses croyances verbalement sous une forme qui répond / à certaines normes d’accessibilité publique et d’universalisabilité, d’être capable de comprendre les arguments moraux des autres gens, de se livrer à un processus de réflexion rationnelle sur les mérites relatifs de ces différentes perspectives, puis de conformer consciemment et délibérément son comportement aux principes qui résultent d’un tel processus de raisonnement moral47.
Mais, en dépit des accents nettement aristotéliciens de cette caractérisation, c’est en fait à Kant compte tenu de la notion de personne qui sert de support qu’il est fait référence :
Le problème, plutôt, est que la capacité d’agentivité morale kantienne est, au mieux, un accomplissement fragile que les humains ont à des degrés divers à divers moments de leur vie. (…) Fonder les droits humains sur la possession de la personnité entendue en ce sens aboutirait à rendre les droits humains précaires pour tout le monde. Et cela irait à l’encontre de l’objectif de la notion de droit humain (…)48.
L’argument consiste alors à dire que le fait d’attacher l’existence de droits inviolables au fait d’être reconnu comme une personne dotée d’une capacité particulière rend la reconnaissance de cette personnité très fragile et contredit le propos même de la notion de droits humains qui est de protéger les personnes les plus vulnérables, particulièrement celles qui ne sont pas en mesure de défendre leurs droits. Les auteurs proposent alors une autre façon d’appuyer leur thèse, qui est très intéressante pour notre réflexion sur la politique du superhéros :
Imaginez que nous rencontrions une espèce – appelons-les Télépathes – qui peut se livrer à la télépathie, ou qui peut se livrer à des raisonnements complexes qui dépassent même nos ordinateurs les plus avancés, ou qui peut se livrer à des formes de maîtrise de soi morale qui dépassent l’espèce humaine, notoirement faible et impulsive. Et imaginez que les Télépathes commencent à asservir les humains, et nous utilisent comme nourriture, ou pour le sport, ou comme bêtes de somme, ou comme sujets d’expérimentation médicale pour leur recherche en santé. / Et imaginez qu’ils justifient notre asservissement et notre exploitation au motif que nos formes primitives de communication, de raisonnement et de contrôle des impulsions ne passent pas leurs tests de personnité. Ils reconnaissent que nous avons accès au soi [selfhood], mais nient que nous ayons les capacités complexes nécessaires pour que nous soient reconnus les droits inviolables de la personnité49.
Nous ne reconnaîtrions pas, disent Donaldson et Kymlicka, que cette infériorité cognitive éventuelle justifie que nos droits inviolables ne soient pas reconnus, car ces droits sont fondés sur notre existence comme sujets. Mais cet argument ne fonctionne que si nous reconnaissons aux animaux doués de subjectivité, indépendamment de leurs capacités cognitives, les mêmes droits.
Les histoires de superhéros peuvent être interprétées à la lumière de cet argument. À quelles conditions une relation politique peut-elle exister entre individus dont les capacités et les rapports au monde diffèrent radicalement ? Les questions politiques soulevées par les figures de superhéros, comme celles soulevées par les extra-terrestres, les intelligences artificielles, les vampires, et de façon générale toutes les formes de subjectivités alternatives qu’on trouve dans les fictions et les croyances, nous permettent d’explorer et de tester, et peut-être de corriger, nos intuitions concernant les facultés dont doivent être dotés les individus pour pouvoir entrer dans une relation politique avec nous, ou dans une relation politique en général. La sentience doit-elle être, comme le défendent Donaldson et Kymlicka, le seul critère à prendre en compte ? Ou y a-t-il un certain type ou un certain niveau de capacité qui doit être pris en considération en plus ou à la place de la sentience ? Ou y a-t-il un certain type ou un certain niveau de capacité qui introduit une différence telle entre les individus que la relation politique n’est plus possible ? Ou alors seulement une relation politique inégalitaire ? Mais en ce cas peut-il s’agir d’autre chose que de la loi du plus fort ? C’est ce qu’interrogent de façon répétée les histoires de superhéros.
9. Conclusion
Depuis la création du personnage de Superman en 1938, les figures de superhéros, et plus largement les personnages dotés de superpouvoirs se sont multipliés, dans les comics d’abord, puis au cinéma et dans les séries, les films du Marvel Cinematic Universe occupant régulièrement les premières places du box-office mondial. L’image que l’on peut avoir spontanément du superhéros est celui d’un personnage au costume flashy qui lutte grâce à d’innombrables exploits acrobatiques contre des supervilains et leurs plans compliqués de domination ou de destruction globales dans un univers moral manichéen. Mais, comme en témoignent les deux phrases les plus célèbres tirées des histoires de superhéros, « With great power comes great responsibility » d’une part, et « Who watches the Watchmen ? » d’autre part, la possession par un ou plusieurs individus de superpouvoirs pose nécessairement des questions politiques, et celles-ci sont en fait abordées dans la plupart des histoires de superhéros. Avec le temps, le questionnement politique soulevé par l’idée que des individus pourraient être dotés de superpouvoirs s’est affiné, au point de devenir central dans nombre d’univers superhéroïques. C’est cette dimension politique des superhéros que nous avons tenté de mettre en évidence dans cet article.
Nous avons entrepris d’illustrer le questionnement politique soulevé par l’existence de superpouvoirs à partir de divers exemples tirés de comics, de films et de séries, mais malgré le caractère panoramique de notre argumentation, nous avons laissé de côté plusieurs questions ou déclinaisons de questions abordées, ou fictions pertinentes. Nous n’avons ainsi que très peu discuté, en dehors de Watchmen, de l’univers DC (Superman, Wonder Woman, Batman, etc.) ; dans l’univers Marvel, nous avons en grande partie laissé de côté les X-Men, et notamment l’opposition entre le Professeur Xavier et Magnéto, d’autant plus intéressante pourtant que leur créateur Stan Lee indique que ses sources d’inspiration pour ces deux personnages sont Martin Luther King et Malcom X. Et il y avait des éléments de réflexion complémentaires à tirer de maints autres œuvres du Marvel Cinematic Universe, les films de The Infinity Saga (2008-2019) et de The Multiverse Saga (2021-2025), les séries Agents of S.H.I.E.L.D. (2013-2020), Agent Carter (2015-2016), Daredevil (2015-2018), Jessica Jones (2015-2019), WandaVision (2021), Loki (2021-…), etc., auxquelles il faut ajouter d’autres séries, insuffisamment ou pas du tout évoquées, comme Legion (2017-2019), Dark Angel (2000-2002), Heroes (2006-2010), The Boys (2019-…), Preacher (2016-2019), Buffy the Vampire Slayer (1997-2003), True Blood (2008-2014), et même l’univers de Star Wars (1977), qui aborde certaines questions pertinentes, notamment dans la série The Mandalorian (2019-…), etc.
Au terme de notre parcours, nous avons donc vu comment les comics, films et séries qui mettent en scène des superhéros, et plus généralement des individus dotés de superpouvoirs, soulèvent régulièrement la question de l’impact en termes politiques de ces superpouvoirs : au service de qui ou de quelle cause les superhéros mettent-ils leurs superpouvoirs ? Qui décide des actions à mener ? Dans quelle mesure les superhéros doivent-ils être contrôlés par des instances politiques officielles, nationales ou supranationales ? L’existence d’êtres dotés de superpouvoirs doit-elle nécessairement conduire à une confrontation avec ceux qui n’en ont pas ? Faut-il, quand cela est possible – et c’est souvent le cas –, donner le moyen d’acquérir des superpouvoirs à toute personne qui en a le potentiel et le souhait ? Ou faut-il au contraire s’efforcer de minimiser le nombre de personnes dotées de superpouvoirs ? Les questions sont innombrables, d’autant qu’elles varient à l’infini selon le détail des circonstances qui sont imaginées en termes de sources et de caractéristiques des superpouvoirs ou de nombre de personnes susceptibles de les acquérir.
Quel est l’intérêt de ces explorations politiques imaginaires ? N’ont-elles pour fonction que de nous divertir ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les superpouvoirs imaginés peuvent souvent sembler manquer de réalisme. Certains pourront y voir une façon de poser sur un mode divertissant les questions politiques sérieuses soulevées par le projet transhumaniste d’utiliser des moyens technologiques pour transformer les capacités des individus, et ses impacts collectifs négatifs potentiels : nouvelles formes d’inégalités sociales, politiques coercitives, contraintes à la performance, etc. Ou encore une façon d’interroger notre rapport à la différence en général. Ou l’on peut défendre l’idée que ces histoires constituent des expériences de pensée qui nous permettent de tester nos intutions morales et politiques, indépendamment de la question de savoir si les superpouvoirs mis en scène ont quelque chance de devenir un jour réel, ou d’être interprétés comme des métaphores de situations réelles. Plus fondamentalement, il nous semble que les histoires de superpouvoirs nous permettent d’interroger nos présupposés quant aux capacités que doivent présenter les individus pour pouvoir entrer dans une relation politique, que l’on considère que cette relation ne fait sens que par opposition à la violence, ou que l’on considère qu’elle incorpore la violence, ou du moins la représentation de sa menace, dans sa constitution et sa mise en œuvre.
10. Références
Comics et personnages de comics (première apparition)
Avengers (Stan Lee et Jack Kirby, The Avengers #1, Marvel Comics, 1963)
Batman (Bill Finger et Bob Kane, Detective Comics #27, DC Comics, 1939)
Black Widow (Stan Lee, Don Rico, Don Heck, Tales of Suspense #52, Marvel Comics, 1964)
Buffy the Vampire Slayer, Season 8, Volume 1 : The Long Way Home (Joss Whedon et Georges Jeanty, Dark House Books, 2007).
Captain America (Joe Simon et Jack Kirby, Captain America Comics #1, Marvel Comics, 1941)
Civil War (Mark Millar et Steve McNiven, Marvel Comics, 2006-2007)
Fantastic Four (Stan Lee et Jack Kirby, The Fantastic Four #1, Marvel Comics, 1961)
– Fantastic Four #335 (Walt Simonson et Rich Buckler, Marvel Comics, 1989)
– Fantastic Four #336 (Walt Simonson et Ron Lim, Marvel Comics, 1990)
Hulk (Stan Lee et Jack Kirby, The Incredible Hulk #1, Marvel Comics, 1962)
Iron Man (Stan Lee, Jack Kirby, Larry Lieber, Don Heck, Tales of Suspense #39, Marvel Comics, 1963)
Jessica Jones (Brian Michael Bendis et Michael Gaydos, Alias #1, Marvel Comics, 2001)
Spider-Man (Stan Lee et Steve Ditko, Amazing Fantasy #15, Marvel Comics, 1962)
Superman (Jerry Siegel et Joe Shuster, Action Comics #1, DC Comics, 1938)
The Boys (Garth Ennis et Darick Robertson, Wildstorm/DC Comics puis Dynamite Entertainment, 2006-2012 et 2020)
Watchmen (Alan Moore et Dave Gibbons, 1986-1987, DC Comics, rééd. 2008)
Wonder Woman (William Moulton Marston, All Star Comics #8, DC Comics, 1941)
X-Men (Stan Lee et Jack Kirby, The X-Men #1, Marvel Comics, 1963)
– The Uncanny X-Men #141 (Chris Claremont et John Byrne, Marvel Comics, 1980)
– The Uncanny X-Men #181 (Chris Claremont et John Romita Jr., Marvel Comics, 1984)
Films et séries
Agent Carter (Christopher Markus et Stephen McFeely, 2 saisons, Marvel, 2015-2016)
Agents of S.H.I.E.L.D. (Joss Whedon, Jed Whedon, Maurissa Tancharoen, 7 saisons, Marvel, 2013-2020)
Altered Carbon (Laeta Kalogridis, 2 saisons, 2018-2020)
Buffy the Vampire Slayer (Joss Whedon, 7 saisons, 1997-2003)
Captain America : Civil War (Anthony et Joe Russo, Marvel, 2016)
Daredevil (Drew Goddard, 3 saisons, Marvel, 2015-2018)
Dark Angel (James Cameron et Charles H. Eglee, 2 saisons, 2000-2002)
Game of Thrones (David Benioff, D. B. Weiss, George R. R. Martin, 8 saisons, 2011-2019)
Heroes (Tim Kring, 4 saisons, 2006-2010)
Jessica Jones (Melissa Rosenberg, 3 saisons, Marvel, 2015-2019)
Legion (Noah Hawley, 3 saisons, Marvel, 2017-2019)
Loki (Michael Waldron, 2 saisons, Marvel, 2021-…)
Misfits (Howard Overman, 5 saisons, 2009-2013)
Preacher (Seth Rogen, Evan Goldberg, Sam Catlin, 4 saisons, 2016-2019)
Star Trek : The Next Generation (Gene Roddenberry, 7 saisons, 1987-1994)
Star Wars (Georges Lucas, 1977)
Superman (Richard Donner, 1978, film)
Superman (Spencer Gordon Bennet et Thomas Carr, 15 chapitres, 1948, serial, https://www.dailymotion.com/video/x370q5z).
True Blood (Alan Ball, 7 saisons, 2008-2014)
The 4400 (Scott Peters, 4 saisons, 2004-2007)
The Boys (Eric Kripke, 3 saisons, 2019-…)
The Incredible Hulk (Kenneth Johnson, 5 saisons, Marvel, 1977-1982)
The Infinity Saga (23 films, Marvel, 2008-2019)
The Mandalorian (Jon Favreau, 2 saisons, 2019-…)
The Multiverse Saga (18 films, Marvel, 2021-2026)
WandaVision (Jac Schaeffer, 1 saison, Marvel, 2021)
Watchmen (Damon Lindelof, 1 saison, 2019)
Autres références
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WHITE M. D., A philosopher reads … Marvel Comics Civil War. Exploring the Moral Judgment of Captain America, Iron Man, and Spider-Man, Aberdeen, Ockham Publishing, 2016.
Notes
1. Superman (1948) 01 – « Superman Comes to Earth », https://www.dailymotion.com/video/x370q5z, 16’25. Dans l’ensemble de l’article, concernant les citations en anglais, nous conservons l’original pour la plupart des citations courtes et proposons des traductions personnelles pour les citations longues. Les titres des œuvres sont donnés dans leur version originale anglaise.
2. Pour une liste détaillée des séries tirées de l’univers Marvel, séries animées comprises, on peut se référer à la page https://www.chroniquedisney.fr/fil-04-MAR/marvel-serie.htm rédigée par Franck Armand-Zuniga, webmestre et créateur du site Chronique Disney.
3. https://www.marvel.com/comics/discover/114/civil-war-the-complete-event.
4. W. Blanc, Les Super-héros. Une histoire politique, Montreuil, Libertalia, 2018, https://www.editionslibertalia.com/catalogue/ceux-d-en-bas/super-heros-une-histoire-politique.
5. Superman (1948) 01 – « Superman Comes to Earth », https://www.dailymotion.com/video/x370q5z, 16’05. Et il est fort possible que le passage cité soit lui-même un emprunt à un comics antérieur mettant en scène Superman.
6. Superman (1948) 01 – « Superman Comes to Earth », https://www.dailymotion.com/video/x370q5z, 16’30.
7. Jessica Jones, saison 1, épisode 11, 19’20.
8. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chapitre I, p. 25.
9. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chapitre I, p. 25.
10. Transposition de la phrase de Juvénal, « Quis custodiet ipsos custodes ? », Satire VI, l. 347-348 [en ligne : https://www.thelatinlibrary.com/juvenal/6.shtml].
11. The 4400, saison 3, épisode 1, « October 13 Congressional Hearings on the 4400 », 2’33.
12. T. Langley, « Freedom versus Security : The Basic Human Dilemma from 9/11 to Marvel’s Civil War », in K. M. Scott (ed.), Marvel Comics’Civil War and the Age of Terror. Critical Essays on the Comic Saga, Jefferson (NC), McFarland & Company, 2015, p. 72.
13. T. Clark, C. Wittmer, « Captain America versus Iron Man : We debate who’s right in ‘Civil War’ », Insider 16 avril 2018, https://www.businessinsider.com/captain-america-vs-iron-man-whos-right-in-marvels-civil-war-2018-4.
14. LegalEagle, « Laws Broken : Avengers – Sokovia Accords Illegal ? (One Marvelous Scene x LegalEagle) », 6 mai 2019, https://www.youtube.com/watch?v=TDMd40a-A4c.
15. Josh Gilliland, « Why the Sokovia Accords are Unconstitutional », The Legal Geeks 10 mai 2016, https://thelegalgeeks.com/2016/05/10/why-the-sokovia-accords-are-unconstitutional/.
16. Min Namgung, « Superhumans and The Sokovia Accords : A Constitutional Disaster ? », Brown Undergraduate Law Review, 16 mars 2022, https://www.brownulr.org/blogposts/avengers-sokovia-accords.
17. P. Tadsare, « International Law and Popular Culture Symposium : The Sokovia Accords and Popular Culture’s Effect on Perceptions of International Law », OpinioJuris 29 octobre 2021, https://opiniojuris.org/2021/10/29/international-law-and-popular-culture-symposium-the-sokovia-accords-and-popular-cultures-effect-on-perceptions-of-international-law/.
18. M. D. White, A philosopher reads … Marvel Comics Civil War. Exploring the Moral Judgment of Captain America, Iron Man, and Spider-Man, Aberdeen, Ockham Publishing, 2016, p. 2.
19. S. Lee, Foreword « The Head ! The Heart ! The Heroes ! », in T. Langley (ed.), Captain America vs Iron Man, New York, Sterling, 2016, p. xv.
20. D. M. N. Bharath, « Ethical Decision Making and the Avengers : Lessons from the Screen to the Classroom », Public Integrity vol. 22, 2020, Issue 4, p. 395-398.
21. J. Whedon, G. Jeanty, Buffy the Vampire Slayer, Season 8, Volume 1 : The Long Way Home, Milwaukie (OR), Dark House Books, 2007, p. 12.
22. Cf. https://heroes.fandom.com/wiki/List_of_Evolved_Humans.
23. https://www.marvel.com/characters et https://www.marvel.com/comics/characters.
24. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. i, p. 21.
25. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 14.
26. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. ii, p. 14-15.
27. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. i, p. 23.
28. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iii, P. 15-16.
29. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 17.
30. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. ix, p. 8.
31. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 1.
32. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. ix, p. 6.
33. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 16.
34. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. ix, p. 6.
35. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 16.
36. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. viii, p. 23.
37. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. ii, p. 15.
38. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. 19-20.
39. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. viii, p. 23.
40. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. xii, p. 23-24.
41. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. I.
42. A. Moore, D. Gibbons, Watchmen, New York, DC Comics, 1986-1987, rééd. 2008, chap. iv, p. III.
43. Aristote, Les politiques, trad. fr. P. Pellegrin, Paris, GF-Flammarion, 1993, I, 2, 1253a10-12, p. 91-92.
44. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 24.
45. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 24.
46. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 26.
47. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 25-26.
48. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 27.
49. S. Donaldson, W. Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 27-28. Référence est faite dans les notes d’une part à l’épisode « Where Silence Has Lease » de la série Star Trek : The Next Generation (saison 2, épisode 2) (p. 265, n. 14), et d’autre part à la trajectoire argumentative de Michael A. Fox sur la question de l’expérimentation animale : « But when Fox realized that his arguments could be used by superior alien species to enslave humans, he repudiated those arguments » (p. 265, n. 15).
Citation
Sylvie Allouche, « Les pouvoirs des superhéros : une question politique », dans Sylvie Allouche & Théo Touret-Dengreville (éd.), Sécurité et politique dans les séries de superhéros Archive ouverte J. Vrin, visité le 21 novembre 2024, https://archive-ouverte.vrin.fr/item/allouche_les_pouvoirs_des_superheros_une_question_politique_2023
Auteure
Sylvie Allouche est enseignante-chercheuse en philosophie à l’UCLy (Lyon Catholic University), UR Confluence : Sciences et Humanités (EA 1598 1598), et membre de l’ERC Advanced Grant DEMOSERIES, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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