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Contribution

Cette contribution est issue de l’ouvrage collectif : Sylvie Allouche (éd.), 24 heures chrono, naissance du genre sécuritaire ?

La série 24 heures chrono a-t-elle le pouvoir de nous rendre meilleurs ?

Introduction

24 heures chrono met en scène l’opposition entre les deux grandes théories morales que sont l’utilitarisme et le déontologisme autour de la question de savoir si la fin justifie ou non les moyens. Or certains critiques de 24 heures chrono, choqués en particulier par le traitement de la torture dans la série, lui reprochent de manipuler les spectateurs de façon à tous les transformer en utilitaristes assoiffés de torture, autrement dit à les déteriorer sur le plan moral, à les rendre mauvais. Je montre au contraire que 24 heures chrono rend son spectateur meilleur et m’appuie principalement pour ce faire sur la difficulté pour le déontologiste rigoureux à ne pas se rendre coupable de contradiction performative, en particulier celle qui consiste à utiliser des arguments de structure utilitariste pour défendre une position déontologiste. Cette difficulté est d’abord présentée à partir de l’exemple du sénateur Mayer, l’un des représentants les plus marquants du déontologisme dans la série, puis à partir de l’argument souvent utilisé de l’inefficacité de la torture. Je formule à partir de là la vraie question morale qui se pose à mon sens au déontologiste au sujet de la torture. Non pas la torture est-elle efficace ? Mais si la torture est efficace, a-t-on pour autant le droit de l’utiliser ? Ayant précisé le rôle spécifique que joue dans la série la notion d’innocence, je montre ensuite comment le déontologisme peut être réduit en utilitarisme à travers l’idée de mauvaise conscience.

Dans la deuxième partie de mon argument, je prends un point de vue plus en surplomb en m’intéressant au fonctionnement des histoires en général vis-à-vis de notre faculté morale. Or du fait même qu’elles mettent constitutivement en scène l’exercice de la liberté et s’adressent ce faisant à la liberté de leurs récepteurs, elles ne peuvent par définition contraindre un déontologiste sincère à devenir utilitariste. Outre que reprocher à 24 heures chrono de produire cet effet c’est soi-même tomber sous le coup d’une contradiction performative. Au contraire la série, par la façon dont elle oblige son spectateur à clarifier et mettre en cohérence ses options morales, remplit la mission principale de la philosophie telle qu’elle fut assignée par Socrate : nous aider à mieux nous connaître nous-mêmes et ainsi progresser en sagesse. L’analyse de la mise en abyme du dispositif que forme l’évolution de la relation de David et Sherry Palmer me permet pour finir de montrer comment 24 heures chrono nous ouvre les yeux sur une hypocrisie particulièrement compliquée à reconnaître et assumer : le déni plausible dont bénéficient par délégation de contradiction performative les citoyens d’un État. Je conclus en montrant sur la base de son effet maïeutique que 24 heures chrono devrait rendre son spectateur meilleur.

Déontologisme vs utilitarisme

Si l’on résume en peu de mots ce qui distingue les deux positions fondamentales que constituent l’utilitarisme et le déontologisme, on peut dire que pour l’utilitariste la fin justifie les moyens, alors que pour le déontologiste la fin ne justifie pas les moyens. Si l’on voulait être strict, il faudrait plutôt que d’utilitarisme parler de conséquentialisme, l’utilitarisme constituant une première formulation historiquement située de celui-ci autour du concept d’« utilité » sous la plume de Jeremy Bentham et John Stuart Mill. Pour la suite de mon argumentation, je me conformerai cependant à un usage couramment répandu qui consiste à parler d’utilitarisme pour parler du conséquentialisme en général. Le déontologisme a de son côté été plus particulièrement instancié par Emmanuel Kant, le cœur de sa position consistant à interdire la contradiction performative c’est-à-dire la contradiction entre un acte et sa condition de possibilité, comme le suggère la première formulation de l’impératif catégorique qui enjoint d’agir « uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle »1. Ainsi mentir c’est mal, parce qu’on affirme et on nie en même temps la valeur de la parole ; voler c’est mal, parce qu’on affirme et on nie en même temps le principe de la propriété, etc.2

De nombreux analystes considèrent que la série 24 heures chrono met non seulement en scène l’opposition classique entre utilitarisme et déontologisme, mais qu’elle le fait de façon biaisée, en produisant une défense et illustration de l’utilitarisme, et singulièrement de l’usage de la torture, et qu’elle nous rend ce faisant plus mauvais moralement3. Le débat dont la série a fait l’objet pendant ses premières saisons est d’ailleurs mis en scène dans la saison 7 à travers la confrontation de Jack Bauer le héros de la série et du sénateur Blaine Mayer qui dirige l’enquête menée par le Sénat sur les violations des droits de l’homme commises par l’organisation dont il relève, la CTU4. À ce titre, deux conversations clés serviront de fil conducteur à notre réflexion, la première ayant lieu dans l’épisode 1 au moment où Jack est entendu comme témoin dans l’enquête en question, tandis que la deuxième a lieu dans l’épisode 14, alors que Jack s’est introduit illicitement chez le sénateur pour lui demander un service. Mais commençons par un extrait du premier échange :

– Jack Bauer : When I am activated, when I am brought into a situation, there is a reason. And that reason is to complete the objectives of my mission at all costs.

– Blaine Mayer : Even if it means breaking the law ?

– Jack Bauer : For a combat soldier, the difference between success and failure is your ability to adapt to your enemy. The people that I deal with – they don’t care about your rules. All they care about is a result. My job is to stop them from accomplishing their objectives. I simply adapted5.

À cette thèse s’oppose nettement la position formulée par le sénateur Mayer dans la conversation ultérieure qu’il a avec Jack, dans laquelle il assume non seulement une position déontologiste, mais aussi les horreurs que celle-ci peut entraîner – et qu’évoquent peu souvent les partisans de cette position :

Blaine Mayer : What you’ve lost, Mr. Bauer, is tragic. What you’ve been compelled to do in the name of saving innocent life is tragic. Sometimes we need to incur the most horrible losses in order to uphold the ideals that this country was founded on6.

Mais le sénateur Mayer est-il aussi déontologiste que cela du coup ? La simple utilisation du verbe « need » montre qu’il raisonne ici de façon conséquentialiste, car il assume par là un lien de cause à effet entre le fait de « rester fidèle aux idéaux » (« uphold the ideals ») et les « pertes horribles » (« horrible losses ») que cette fidélité peut entraîner. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par la phrase qu’il énonce juste après : « How can we presume to lead the world unless we set an example ? », l’argument consistant à dire que, pour les États-Unis, ne pas agir conformément à ses valeurs n’est pas tant un problème en soi que du fait que cela nuit à son image internationale et donc à terme à son influence géopolitique de première puissance mondiale.

Première hypothèse : Mayer est bien déontologiste mais habille sa position d’un vêtement utilitariste plus propre à convaincre Jack. Mais ne s’expose-t-il pas du coup au reproche de contradiction performative en déguisant sa pensée pour mieux convaincre son interlocuteur ? C’est qu’il est difficile d’être un déontologiste rigoureux, car il faut chasser la contradiction performative en permanence, et elle n’a pas son pareil pour se nicher dans les endroits les plus inattendus. Alors que la vie de l’utilitariste est de ce point de vue beaucoup plus simple : il n’y a pas de contradiction à assumer les contradictions du moment qu’elles servent le but ultime. Et même se détourner de ce but pour en satisfaire un autre n’est pas non plus un problème, puisque l’appréciation de ce qu’il est peut changer ou se révéler à cette occasion. Cela dit, est-ce se contredire que de se mettre, comme le conseillent depuis toujours les maîtres de rhétorique, dans les sandales de son interlocuteur de façon à élaborer des arguments plus propres à le convaincre ? Suffirait-il par exemple que le déontologiste ait conscience d’utiliser un argument utilitariste et qu’il le spécifie pour être dédouané de toute contradiction performative ? Je crains qu’il n’échappe pas pour autant à l’accusation, car il continuerait ce faisant à souscrire au principe selon lequel la fin justifie les moyens, et peut-être même risque-t-il de tomber dans une sorte de tourbillon récursif à ce sujet.

Alors, seconde hypothèse : le sénateur Mayer est en fait conséquentialiste, et en invitant Jack à tourner son attention vers « the big picture » et à évaluer l’impact de ses actes à un niveau plus global, il serait même une sorte d’utilitariste ultime, plus encore que Jack, souvent présenté comme le parangon de cette position. Un utilitariste pourrait alors avancer que le sénateur Mayer ne fait par là même que dévoiler le fondement utilitariste de tout déontologisme consistant, y compris le plus strict.

La torture et la bombe à retardement

Quoi qu’il en soit, la série 24 heures chrono finit-elle par nous convaincre, exemples tragiques à l’appui, qu’en situation la fin justifie toujours les moyens et qu’il faut donc être utilitariste ? En dépit des arguments très stimulants formulés en ce sens par d’autres, il ne me semble pas que cela soit le cas. Il me semble que ce que produit 24 heures chrono comme effet, c’est d’obliger le spectateur, par le biais d’une fiction, à mettre en cohérence ses propres options morales… à moins de s’y refuser par mauvaise foi. Prenons l’exemple si important et déjà bien travaillé de la torture. Nombre de gens, si on leur demande de but en blanc s’ils considèrent que l’usage de la torture peut parfois être acceptable, affirmeront que non, même si cette opposition semble s’être bien érodée, en France comme ailleurs, depuis le début des années 2000, comme le suggère l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dans un rapport qu’elle a réalisé en 2016 :

À la question « Pensez-vous qu’il peut se justifier qu’un policier envoie des décharges électriques sur une personne soupçonnée d’avoir posé une bombe prête à exploser ? », 34 % des Français répondaient « oui » en septembre 20007. Ils sont 54 % aujourd’hui8.

L’affirmation s’appuie sur un sondage réalisé par l’Institut Ifop en avril 2016 dont les résultats sont présentés dans la suite du rapport9 et complétés par un texte de Michel Terestchenko intitulé « Une tolérance croissante à l’égard du recours à la torture »10. La question est particulièrement délicate en France, compte tenu du rôle central qu’elle a joué dans le malaise relatif à la guerre d’Algérie, comme en témoigne d’ailleurs le texte de Raphaëlle Branche qui suit, « Désirs de vérités, volontés d’oublis : la torture pendant la guerre d’Algérie »11.

Le point est d’autant plus intéressant pour nous qu’il est largement admis que c’est le livre Les Centurions de Jean Lartéguy12 dont l’intrigue se déroule pendant cette guerre qui est à l’origine du scénario de la bombe à retardement au cœur de la structure narrative de 24 heures chrono. C’est ce qu’explique par exemple Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dans un livre consacré à la série :

Cette hypothèse apparaît pour la première fois dans Les Centurions de Jean Lartéguy (196[0]), un roman adapté à l’écran (Lost Command de Robson, 1966) qui a tellement inspiré l’armée américaine que le général Petraeus a personnellement encouragé sa réédition récente.

Dans l’une des scènes, le lieutenant-colonel Raspeguy détient le chef des rebelles qui sait où se trouvent 15 bombes programmées pour exploser dans Alger dans les prochaines vingt-quatre heures. À l’écran, une horloge décompte le temps. Que ce soit dans l’Algérie française ou l’Amérique de Bush, le but de cette fiction est toujours le même : établir non seulement que la torture serait acceptable, mais aussi qu’elle serait moralement requise13.

C’est encore ce que note Jérémy Rubenstein dans un article qui décrypte l’influence qu’ont aussi eue les romans de Lartéguy en Argentine :

On crédite Les Centurions de la première exposition du tristement célèbre « scénario de la bombe à retardement », la justification rhétorique, principale et toujours rééditée de la torture pour trouver une bombe sur le point d’exploser14.

L’argument de l’inefficacité de la torture

Il faut cependant à mon sens faire très attention avec l’exemple de la torture, car il faut distinguer deux problèmes. Il y a en effet la question de savoir si effectivement la torture permet de soutirer des informations fiables à la personne torturée, qui est une question factuelle, et il y a la question de savoir s’il est acceptable de recourir à la torture pour soutirer de telles informations, qui est une question morale – et donc celle qui nous intéresse.

Souvent, un argument avancé contre l’usage de la torture consiste à dire qu’elle ne sert à rien et que les gens sont prêts à dire n’importe quoi sous la torture. Mais à mon sens utiliser cet argument fait passer à côté du problème, puisque la question morale intéressante est la suivante : si la torture est un moyen efficace de soutirer des informations à quelqu’un – peu importe que cela soit le cas ou non –, y a-t-il des circonstances où l’utiliser est acceptable ? On peut d’ailleurs passer au mode conditionnel pour neutraliser la question factuelle qui parasite à mon sens le questionnement moral et demander : si la torture était un moyen efficace de soutirer des informations à quelqu’un, y aurait-il des circonstances où l’utiliser serait acceptable ?

On peut supposer que, pour un certain nombre d’analystes, cette distinction est en fait claire, mais qu’ils choisissent sciemment de faire feu de tout bois et de neutraliser le questionnement éthique dans l’espoir de convaincre factuellement la personne qui pourrait être favorable à l’usage de la torture qu’il ne faut pas y recourir puisqu’elle est de toute façon inutile. Si de tels analystes existent, on peut se demander s’ils ne se rendent pas coupables, comme dans la première hypothèse que j’évoquais au sujet du sénateur Mayer, de contradiction performative, dans la mesure où non seulement l’argument de la non-efficacité est lui-même conséquentialiste, mais plus encore, celui qui utilise cet argument se fait par son action le défenseur du principe selon lequel la fin justifie les moyens, alors qu’il prétend s’y opposer en discours.

Il est sans doute possible de répondre à cela qu’il n’y a pas nécessairement de problème à considérer que le principe conséquentialiste est utilisable dans certains contextes, mais pas dans d’autres. Mais il faudrait alors au moins spécifier les cas – j’en laisse le soin aux analystes potentiellement concernés. Deux questions cependant : distinguer les contextes n’est-ce pas encore donner priorité à l’utilitarisme sur le déontologisme ? Et, à nouveau, appuyer une thèse sur une argumentation qui formellement la contredit n’est-ce pas s’exposer à la contradiction performative ? À moins de considérer que l’analyste procède ici comme déjà suggéré pour le sénateur Mayer, et qu’il ne sert un argument conséquentialiste que pour mieux convaincre son interlocuteur de cette obédience, sans lui-même y souscrire. Nous avons vu les difficultés auxquelles semblait conduire ce type d’argument.

La bonne question morale

Donc la vraie question morale est la suivante : même si la torture marche, y a-t-il légitimité à l’utiliser ? Si on est strictement déontologiste, on considérera que non : en se résignant comme Jack Bauer à torturer une personne pour lui soutirer des informations, qui permettront certes de sauver des vies innocentes, on s’abaisse en dessous de l’humanité, et cela est plus grave que de laisser mourir des innocents par son inaction. C’est ce dont témoigne clairement l’échange suivant entre Jack Bauer et le sénateur Blaine Mayer :

– Jack Bauer : Ibrahim Haddad had targeted a bus carrying 45 people, ten of which were children. The truth, senator, is I stopped that attack from happening.

– Blaine Mayer : By torturing Mr. Haddad.

– Jack Bauer : By doing what I deemed necessary to protect innocent lives.

– Blaine Mayer : So, basically, what you’re saying, Mr. Bauer, is that the ends justify the means, and that you are above the law15.

On retrouve encore cette idée, quelques épisodes plus loin dans un échange de Jack avec Renee Walker cette fois-ci, où la question de l’« humanité », si chère au déontologisme kantien (cf. la deuxième formulation de l’impératif catégorique que je rappelle plus tard), est clairement évoquée :

– Renee Walker : God, listen to yourself, Jack. You don’t even sound human. Don’t you feel anything ?

– Jack Bauer : We had a job to do ! To protect the hundreds if not thousands of innocent lives that would not have had a choice if we let a terrorist attack take place. What we did wasn’t wrong. It was necessary16.

Les vies innocentes

Mais avant d’aller plus loin, j’aimerais discuter deux points qui précisent la position utilitariste de Jack : la valeur supérieure qu’il accorde au fait de sauver des vies innocentes d’une part, et la question du sacrifice éventuellement nécessaire de certaines d’entre elles d’autre part. Concernant le premier point, dans la perspective de Jack en effet, comme il apparaît clairement dans les deux verbatims que je viens de rappeler et dans de nombreux autres, ce n’est pas toute vie qui exige à égalité avec les autres d’être sauvée, mais plus particulièrement les vies dites innocentes (« innocent lives »), cette catégorie renvoyant plus largement à la catégorie des « civils » (« civilians ») dans la série. Je n’aurai guère le temps d’analyser les occurrences de ce terme comme il serait souhaitable mais, pour résumer, Jack distingue en permanence entre les personnes qu’il considère comme des civils et les autres : non seulement les terroristes bien sûr, mais aussi certains types de criminels, ainsi que les personnes qui se sont engagées à lutter contre eux.

Concernant les criminels, on peut citer l’exemple de Marshall Goren que Jack tue froidement et dont il utilise la tête qu’il a sciée hors-champ (« I’m gonna need a hacksaw »17) pour mettre en confiance le groupe de terroristes qu’il poursuit à ce moment-là. Or comme le dit Jean-Baptiste Jeangène Vilmer :

Il commet donc un meurtre pour faire avancer son enquête, sacrifiant un homme qui n’avait rien à voir avec la menace du jour. Si l’on a malgré tout envie de lui pardonner, c’est parce que l’individu en question est inculpé de huit enlèvements d’enfants, de pornographie infantile et de meurtre – il n’est donc pas « innocent » dans l’absolu – et qu’il s’en serait sorti, car il a troqué sa liberté contre un témoignage18.

Du côté des « engagés », il faut à mon sens en distinguer deux types. D’abord, ceux qui sont engagés du fait de la profession qu’ils ont choisie. Ainsi, comme le souligne à nouveau Jean-Baptiste Jeangène Vilmer :

Les agents de la CTU renoncent même à leur intégrité physique, en acceptant d’être tués et torturés au nom d’un bien supérieur – la sécurité de la nation. […] Ils se sont engagés à servir [leur pays] et, comme les soldats, doivent être prêts à mourir. […] Lorsqu’un terroriste demande à Palmer de tuer Ryan Chappelle, l’un des dirigeants de la CTU, sans quoi des millions de civils mourront, Palmer proteste : « Comment pourrais-je autoriser le meurtre d’un homme innocent ? » Mais Wayne le réaliste lui répond : « David, nous sommes en guerre. Ryan Chappelle n’est pas un civil »19.

Mais parmi les « engagés », il y a aussi n’importe quelle personne qui travaille pour les forces de l’ordre, tel l’officier Jessie Hampton, assassinée par Greg Penticoff dans la poursuite duquel Jack l’avait impliquée dans la saison 120. Et je mettrais encore dans cette catégorie les personnes qui s’engagent dans une circonstance particulière – et dans ce cas, Jack veille (toujours ?) à recueillir le consentement explicite de la personne en passe de changer de statut. Kate Warner en est un bon exemple dans la saison 221, mais aussi, comme Jack l’explique à Renee dans la saison 7, Marika Donoso qui se sacrifie pour les aider à s’emparer d’Iké Dubaku, le « boucher du Sangala », alors qu’au départ elle est juste serveuse :

What happened to Marika was a tragedy. But I’m not going to stand here and tell you what we did was wrong, because we weren’t. She made a choice, a brave one, to get involved, but she made it22.

Ne plus être « civilian », c’est ainsi du point de vue de Jack avoir renoncé à ses droits théoriquement inaliénables et par conséquent avoir accepté d’être malmené ou tué si les circonstances l’exigent. C’est en quelque sorte être un mort en sursis.

Fondée ou non, puisqu’il faudrait encore traiter de la question de savoir si les « civilians » sont si innocents que cela23, cette distinction engage d’un point de vue utilitariste une valorisation différenciée des vies susceptible d’entrer en conflit avec le principe quantitatif simple selon lequel il vaut mieux sauver deux vies plutôt qu’une. Les difficultés qui en découlent ont largement été explorées par les innombrables variations autour du célèbre « dilemme du tramway » proposées par Philippa Foot et ceux qu’elle a inspirés24.

Mais deuxième point, si Jack Bauer fait tout ce qu’il peut, y compris les choses les plus horribles, pour sauver des vies innocentes, il est parfois contraint, quand il a à choisir entre plusieurs de ces vies, de revenir à un calcul utilitariste simplifié – où seule la quantité importe – et d’en sacrifier certaines :

– Jack Bauer : Every day, I regret looking into the eyes of men, women and children, knowing that, any moment, their lives might be deemed expendable in an effort to protect the greater good25.

La mauvaise conscience

En tout état de cause, le problème des sacrifices moraux à consentir pour sauver des vies apparaît régulièrement dans les œuvres de fiction, et pas seulement dans 24 heures chrono, loin s’en faut. Une méthode pour circonvenir le débat consiste alors à dénier la différence de nature entre le principe utilitariste et le principe déontologiste et à interpréter ce dernier à l’intérieur d’un schéma globalement utilitariste selon la structuration suivante : dans le cas de la torture, ce qui est en balance ce n’est pas la possibilité de sauver des vies innocentes et un principe abstrait qui l’interdit, mais la vie d’innocents et la mauvaise conscience d’un individu qui recourt à la torture pour les sauver. Avoir mauvaise conscience, qui plus est de façon relative puisqu’on aura sauvé des vies, apparaissant un mal moins grave qu’être mort, qui plus est si une seule personne a mauvaise conscience alors que plusieurs ont été sauvées, le calcul est assez simple et le choix s’impose de lui-même, y compris si on y inclut la souffrance de la personne torturée. C’est ce que suggère Jack lorsqu’il dit au sénateur Mayer :

I regret every decision or mistake I might have made that resulted in the loss of a single innocent life. But you know what I regret the most ? Is that this world even needs people like me26.

Mais prenons garde de ne pas nous laisser circonvenir par nos propres convictions morales en considérant comme allant de soi que l’utilitarisme est nécessairement immoral. On peut ne pas être d’accord avec l’utilitarisme, voire être moralement choqué par ce que cette position implique, mais reste que c’est une position morale possible, qui a été et est défendue comme telle, et non comme une position immorale. D’autant que, comme le suggère la façon dont le sénateur Mayer assume les « pertes horribles » auxquelles peut conduire le respect des principes, le déontologisme peut tout aussi bien paraître monstrueux. Seulement aux yeux du conséquentialiste dira un déontologiste, puisque de son point de vue, qui dit conséquence, même totalement prévisible, ne dit pas responsabilité.

Cela dit, dans l’interprétation proposée ci-dessus, il ne s’agit pas pour Jack d’aller jusqu’à avancer que torturer est un acte neutre, voire un acte moral (comme peuvent le soutenir certaines formes relativistes de l’utilitarisme), mais bien de faire droit au jugement déontologique fondamental selon lequel la torture c’est mal, point. Seulement, certains se dévouent pour accomplir un mal estimé – à tort ou à raison, c’est une autre question – nécessaire, ils acceptent de se « salir les mains » pour notamment l’éviter à d’autres.

Les histoires mettent en scène la liberté

Mettre en scène des personnages qui agissent en utilitaristes est-il alors pour autant se faire l’apologiste de cette position morale – et en l’occurrence de la torture ? À nouveau, il ne me le semble pas, et ce pour deux raisons qui tiennent au fonctionnement des fictions en général (et s’appliquent donc non seulement au spectateur, mais au lecteur, à l’auditeur, etc.), la première concernant la façon dont fonctionnent les histoires en général, et la seconde le rapport qu’elles entretiennent avec leur récepteur.

Commençons par la première raison : raconter une histoire n’est pas tenir un discours. Raconter une histoire où un personnage, y compris si c’est le héros, accomplit des actions immorales ou, dans le cas qui nous intéresse plus précisément ici, choisit singulièrement de subordonner un principe moral dont il reconnaît la pleine légitimité à un autre, ce n’est pas défendre la thèse selon laquelle il a raison de le faire. C’est mettre en scène le fait que, dans les situations concrètes, à l’échelle d’un individu singulier, de tels choix sont possibles. Mais qu’il les fasse n’atteint en rien la puissance éventuellement transcendante (ou transcendantale si on est kantien) du principe déontologiste selon lequel torturer c’est mal, ou encore que mentir c’est mal, ou quelque autre principe mis en cause dans l’histoire.

J’irais même plus loin : les principes moraux ne font sens qu’en tant qu’ils sont difficiles à respecter. S’ils s’imposaient à nous comme une contrainte, ils seraient en quelque sorte comme le droit du plus fort que brocardait Rousseau dans Le Contrat social et perdraient tout sens en tant que principes moraux :

OBÉISSEZ aux Puissances. Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu ; je réponds qu’il ne sera jamais violé27.

Dans une interprétation d’inspiration kantienne, qui transpose d’ailleurs en partie l’argument politique de Rousseau à la morale, c’est même toute la différence entre loi morale et loi physique. La loi physique, on est contraint de la respecter, on peut la manipuler et réussir à construire des objets volants et nous-mêmes voler, mais on ne peut faire autrement que de la respecter. La loi morale au contraire s’impose à nous comme une obligation à respecter au même titre que la loi physique, mais on a au contraire la possibilité, et même toute liberté (c’est là son fondement), de ne pas la respecter. Que font alors d’autre les histoires depuis que les histoires existent, l’Épopée de Gilgamesh, l’Iliade et l’Odyssée, la Genèse, etc., si ce n’est nous donner à contempler l’expression de la liberté humaine à travers la mise en scène de situations concrètes où des hommes sont amenés à choisir de respecter ou non tel ou tel principe moral/divin ?

Les histoires nous engagent à exercer notre liberté

Nous pouvons alors en venir à la deuxième raison pour laquelle la peinture d’une position morale dans une histoire n’a pas à être entendue comme une apologie de celle-ci, à savoir que non seulement le récepteur contemple grâce aux histoires l’exercice de la liberté humaine, mais est requis par ces histoires à exercer sa propre liberté. Autrement dit, à chaque décision ou action des personnages dont il suit les péripéties, l’histoire lui pose implicitement deux questions : qu’aurait dû faire à ton avis le personnage ? Mais aussi, dans la mesure où chacun peut conjecturer que son action ne serait peut-être pas conforme au devoir qu’il entrevoit – en anticipant sa propre faiblesse morale, son cynisme, etc., peu importe : qu’aurais-tu fait à la place du personnage ? Ou plus précisément qu’est-ce que tu penses que tu aurais fait à la place de celui-ci ? Car nous ne pouvons jamais être certains en situation de faire ce que nous croyions que nous ferions : certains qui s’imaginaient des héros sont tétanisés par la peur dans le feu de l’action, d’autres qui s’étaient toujours crus lâches se révèlent des héros.

Pour en revenir à l’exemple paradigmatique de Jack et de la torture, à supposer, comme le soutiennent nombre de ses critiques, que 24 heures chrono soit un outil de propagande en faveur de l’utilisation de celle-ci, le spectateur n’est jamais, en rien, obligé d’approuver Jack lorsqu’il décide de torturer quelqu’un – ou de faire quoi que ce soit d’autre.

Certes, on peut avoir l’impression que 24 heures chrono, en soumettant à répétition le spectateur à des dilemmes du type « es-tu vraiment sûr que tu préférerais épargner un ignoble terroriste prêt à tuer des innocents par milliers plutôt que te donner une chance de les sauver en le torturant ? », émousse peu à peu son sens moral, et le contraint par manipulation rhétorique à adopter un point de vue utilitariste et donc à reconnaître le bien-fondé du recours à la torture. Mais penser cela est à mon sens de facto nier la liberté fondamentale qui habite dans une perspective déontologiste les êtres humains et leur enjoint d’agir conformément à l’impératif kantien, tant dans sa première formulation que nous avons déjà rappelée, que dans sa deuxième à savoir « de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »28.

Le déontologiste qui dénonce 24 heures chrono comme un outil rhétorique au service du mal ne le fait à mon sens qu’en se contredisant performativement, et donc en agissant mal lui-même, selon ses propres termes, puisqu’il nie ce faisant l’exercice de la liberté produite par la rencontre entre une fiction et son récepteur, et singulièrement entre 24 heures chrono et son spectateur. Autrement dit, sa position n’est pas tenable car, s’il s’applique à lui-même comme il le doit en se réclamant du déontologisme, l’impératif catégorique, en portant ce jugement, il se contredit en considérant implicitement que les spectateurs, y compris lui-même, ne sont en fait pas à même d’exercer correctement leur liberté, qui leur permet de ne pas se laisser circonvenir par la machine de guerre utilitariste que constitue selon lui 24 heures chrono.

Au contraire, le déontologiste rigoureux – et j’en connais – regarde 24 heures chrono, comprend la façon dont, du point de vue utilitariste de Jack, il faut parfois faire le mal dans l’espoir d’accomplir un bien plus grand, s’attache à Jack même, « empathe » avec lui, mais il n’approuve pas, il résiste, parce que la loi morale en lui se dresse fière et inaltérable : non, il ne faut jamais torturer, même si c’est en vue de sauver des milliers de personnes, parce que torturer c’est mal, que la torture ne pouvant être érigée en maxime universelle d’action, est juste inenvisageable dès le départ, la question ne se pose tout simplement pas, il n’y a nulle difficulté à ne pas être manipulé. Être déontologiste ici, c’est simple, c’est non. Cette simplicité est d’ailleurs clairement exprimée dans l’un des échanges entre Jack Bauer et Blaine Mayer déjà évoqué :

– Jack Bauer : You make it sound so simple.

– Blaine Mayer : Well, maybe it’s simpler than you think29.

C’est simple donc, et peut-être beaucoup moins intéressant à mettre en scène que l’utilitariste qui évalue, soupèse, hésite, révise, se trompe, essaye autre chose, etc. Mais ce n’est pas, contrairement à l’image couramment répandue du kantien strict, une posture aride et sans vie, cela n’empêche pas d’accompagner avec amitié et tendresse un fellow human being aux prises avec la difficulté de la vie morale, les dilemmes impossibles, la lutte entre l’amour, l’amitié ou la haine qu’on porte à certains et ce que dicte le devoir – qu’il soit compris en termes déontologistes ou utilitaristes. C’est passionnant, peut-être cathartique, cela nous attache à l’humanité dans ses faiblesses et ses contradictions, mais que notre adhésion morale soit emportée dans cet élan est une toute autre affaire.

24 heures chrono comme elenchos socratique

Celui en revanche qui se croyait déontologiste tant que c’était une posture superficielle dont il n’avait pas pris la peine de creuser ce qu’elle impliquait, mais qui, comme beaucoup d’entre nous, est en fait un utilitariste, 24 heures chrono ne le fait pas changer d’avis, il le révèle par un processus maïeutique à lui-même. Et, ne serait-ce qu’en cela, la série 24 heures chrono ne nous rend pas plus mauvais, ne nous détériore pas, au contraire elle nous rend meilleurs, car en nous approchant un peu plus de la vérité sur nous-mêmes, elle accomplit le premier des préceptes philosophiques, celui-là même qui était inscrit au fronton du temple de Delphes : Γνῶθι σεαυτόν – Connais-toi toi-même.

Car regarder 24 heures chrono, c’est en fait s’exposer à l’elenchos, la méthode fondamentale de réfutation socratique qui consiste non seulement à mettre en lumière le fait, dit Louis-André Dorion, « que sur un sujet donné le répondant souscrit à des opinions qui sont incompatibles entre elles »30, mais ce faisant à le faire progresser moralement :

la dimension logique de l’elenchos est subordonnée à sa finalité morale. Socrate ne pratique pas la réfutation pour elle-même, pour le simple plaisir de contredire une thèse, mais dans l’espoir de rendre son interlocuteur meilleur. […] l’individu réfuté doit avoir honte de sa propre ignorance, mais il s’agit d’une honte bénéfique, voire salvatrice, puisqu’elle est la première étape de la conversion intérieure […]. Agent purificateur, l’elenchos est un instrument pédagogique, un outil privilégié d’éducation morale31.

Mais l’argumentaire que nous avons mis en œuvre, fondé sur l’idée de contradiction performative inspirée de Kant, est plus fidèle encore que cela à la méthode philosophique de Socrate puisque, comme le souligne le même Louis-André Dorion :

C’est en ce sens que l’elenchos socratique a une incontestable « dimension existentielle »32 : l’enquête de Socrate ne porte pas tant sur des propositions que sur des vies, ou, plutôt, l’enquête socratique porte sur des vies par l’intermédiaire des propositions […]. Que l’elenchos socratique s’intéresse avant tout à la façon dont un individu doit mener sa vie, ainsi qu’à la cohérence entre ses opinions et ses actes, c’est ce que Nicias, un interlocuteur de Socrate qui est sur point d’être réfuté, explique avec justesse dans un beau passage du Lachès (187e-188b)33.

24 heures chrono, elenchos ou incantation ?

Louis-André Dorion cite ensuite un célèbre passage où Ménon, dans le dialogue qui porte son nom, exprime son désarroi et compare Socrate à une raie torpille :

Et voilà que maintenant, du moins, c’est l’impression que tu me donnes, tu m’ensorcelles, tu me drogues, je suis, c’est bien simple, la proie de tes incantations, et me voilà plein d’embarras (aporias) ! D’ailleurs, tu me fais totalement l’effet, pour railler aussi un peu, de ressembler au plus haut point, tant par ton aspect extérieur que par le reste, à une raie torpille, ce poisson de mer tout aplati. Tu sais bien que chaque fois qu’on s’approche d’une telle raie et qu’on la touche, on se trouve plongé, à cause d’elle, dans un état de torpeur ! Or j’ai à présent l’impression que tu m’as bel et bien mis dans un tel état34.

Ménon conclut par une menace d’autant moins voilée que le dialogue met plus tard en scène Anytos, le principal accusateur de Socrate :

Aussi je crois que tu as pris une bonne décision en ne voulant ni naviguer ni voyager hors d’ici. Car si tu te comportais comme cela, en tant qu’étranger, dans une autre cité, tu serais vite traduit en justice comme sorcier !35

La série 24 heures chrono, grâce aux moyens technologiques modernes dont elle est elle-même une expression directe « navigue » et « voyage », que ce soit sous forme de flux vidéo ou de DVD, et s’il n’a jamais été question de la traduire en justice à proprement parler, elle l’a bien été de façon au moins métaphorique à travers les procès critiques qui lui ont été intentés. Or il me semble qu’on peut faire le rapprochement entre cette accusation portée par Ménon contre l’elenchos socratique et celle portée par Raphaël Künstler dans son article Le pouvoir détériorant de la fiction lorsqu’il dénonce le « dispositif rhétorique »36 que constitue 24 heures chrono et en particulier la façon dont la série met les spectateurs « dans une situation de vertige »37 qu’il compare « à celle dans laquelle se dépeint Descartes au début de sa “Méditation Seconde” : [C’est] comme si tout à coup j’étais tombé dans une eau très profonde, je suis tellement surpris que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond, ni nager pour me soutenir au-dessus »38. Peut-être est-ce parce qu’il a été touché par la raie torpille 24 heures chrono ?

Il n’y a en tout cas sans doute pas à s’étonner, dès lors, que celui pour qui la posture déontologiste n’était en fait qu’une ombre dissipée par l’exposition directe au soleil se comporte comme les prisonniers dépeints par Platon dans sa célèbre allégorie du Livre VII de La République :

Et si on l’arrachait de là par la force, dis-je, en le faisant monter par la pente rocailleuse et raide, et si on ne le lâchait pas avant de l’avoir tiré dehors jusqu’à la lumière du soleil, n’en souffrirait-il pas, et ne s’indignerait-il pas d’être traîné de la sorte ?39

David et Sherry Palmer

Ainsi 24 heures chrono en faisant travailler le spectateur de façon maïeutique sur ses intuitions morales l’inviterait à mettre celles-ci en cohérence entre elles et avec la représentation qu’il s’en fait… et qu’il se fait par la même occasion de lui-même. À cet égard, l’évolution des relations entre David et Sherry Palmer dans la saison 1 constitue déjà une sorte de mise en abyme du dispositif puisqu’on découvre peu à peu que Sherry, tout au long de l’ascension de David vers la présidence, s’est chargée, avec la complicité d’autres personnages de son entourage, de tout le sale boulot que cette ascension a impliqué, de façon à ce que David puisse en toute sincérité incarner le sénateur puis le président qui place le respect des principes avant tout le reste. Mais c’est en fait dans la saison 3, alors que David a appelé Sherry à l’aide, que cette dynamique est véritablement explicitée. Sherry la met au jour d’abord devant Wayne, le frère de David, lorsqu’il lui demande pourquoi elle souhaite l’aider à conserver son poste de chef de cabinet du président :

Because David needs someone like me, someone who sees things the way they really are, who’s not afraid to throw a punch every now and then40.

Plus tard, s’adressant toujours à Wayne, elle formule un deuxième pan de sa « doctrine » :

David can’t know about this, for his own protection. If he doesn’t know anything, he’s got nothing to deny41.

La méthode est claire : prendre en charge le sale boulot, tout en maintenant dans l’ignorance la personne qui en bénéficie, qui pourra ainsi se draper dans son innocence et sa probité. Autrement dit, il s’agit non seulement pour Sherry de s’assurer le plus possible que David puisse être en position de déni plausible (« plausible deniability »), mais de renforcer cette position en la transformant en déni plausible de déni plausible, en déni plausible au carré en quelque sorte : qu’il soit le moins possible au courant du fait qu’il y a même quoi que ce soit à dénier. Et c’est seulement quand elle s’est résolue à impliquer David dans l’un de ses méfaits, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’un meurtre, qu’elle explicite clairement devant David le dispositif qui lui a permis jusque-là d’être de facto dans une contradiction performative, sans avoir à en assumer le poids moral :

You know, you always claim to want the truth, but your whole life you’ve been surrounded by people like me and Wayne who’ve protected you from it42.

David pouvait donc en toute sincérité proclamer son positionnement déontologiste parce que Sherry prenait elle-même en charge le poids de la contradiction performative qui le rendait possible, sans pour autant se contredire elle-même puisqu’elle assume une position conséquentialiste. Et David a beau rétorquer : « I’ve never asked to be protected »43, Sherry lui répond, en cohérence avec cette position : « Oh that may be true but the fact remains you have been »44.

L’ignorance consentie de David Palmer

Mais la dynamique est encore plus complexe en réalité. Plus tôt en effet dans la saison, lorsque David avait demandé Sherry quelle était la nature du moyen de pression sur Alan Milliken qu’elle détenait, il avait acquiescé quand elle lui avait indiqué ne pas vouloir rentrer dans les détails :

– David : This leverage you have with Milliken.

– Sherry : I told you, David, it’s better if you don’t know all the details right now.

– David : … All right45.

Le petit temps de réflexion que David se donne avant de consentir à être maintenu dans l’ignorance est-il le signe qu’il passe pour la première fois une frontière morale qu’il n’avait jusque-là jamais franchie, sachant que c’est précisément ce que David n’a cessé de reprocher à Sherry : faire des choses dans son dos ? Pas si sûr, puisque c’est justement sur la base de la reconnaissance de son consentement tacite passé qu’il avait repris contact avec elle dans l’épisode 11 :

– David : I’ve always known that you knew things about Alan that you didn’t tell me because of my friendship with him.

– Sherry : And I’ve always known you were too smart to ask.

– David : … I guess we’re both right46.

Cet échange n’a l’air de rien, mais il est capital, car il montre que ce n’est pas seulement là, dans la saison 3, que David consent à être maintenu par Sherry dans l’ignorance de certains faits, mais que cela a toujours été le cas. Est-ce la première fois de la série que David montre qu’il n’a jamais été naïf au sujet de Sherry ? Pas vraiment car il est clair dès le début de la saison 1 qu’il sait que Sherry prend certaines choses en charge sans lui en parler, mais il supposait que cela ne dépassait pas certaines limites, comme il le manifeste clairement lorsque Sherry revient dans la saison 3 le rendre complice du crime qu’elle a commis en laissant mourir Alan Milliken :

– David : Don’t you dare insinuate that I knew what you were about to do. You took a life.

– Sherry : It’s not that clearcut, David.

– David : Yes, it is. Alan Milliken is dead… because of you !47

Il faudrait en réalité passer au peigne fin l’ensemble des épisodes des saisons 1 et 2 pour déterminer la position exacte de David Palmer sur cette question mais, du fait même de la façon dont fonctionne le dispositif, cela pourrait s’avérer bien difficile. En effet, ce qui se joue ici est très subtil sur le plan psychologique. Sherry n’informait pas David de certaines actions accomplies dans son intérêt mais qu’il aurait désapprouvées, et faisait en sorte qu’il soit le moins possible au courant du fait qu’elle prenait en charge ce type d’actions. Or le bref échange de l’épisode 11 que j’ai cité témoigne du fait qu’il a lui-même contribué de façon active à ajouter une couche de déni plausible (un déni plausible au cube donc ?) au dispositif en ne faisant jamais état devant Sherry et sans doute devant qui que ce soit d’autre, spectateur inclus, du fait qu’il avait au moins une conscience confuse de ce dispositif.

Ce que Sherry nous apprend sur nous-mêmes

Alors Sherry a-t-elle raison de reprocher à David de ne pas vouloir assumer les conséquences de ses actions, une fois le but atteint ?

David, you called me precisely because you needed someone to do your dirty work, so don’t turn around and just try to wash your hands off this. […] You needed help with Milliken, and I gave it to you. Neither one of us had any idea that it would work out like this. So let’s not forget it did work out, in your favour48.

Sherry est-elle en fait la vraie héroïne du couple ? Une héroïne utilitariste qui assume comme Jack de se salir les mains pour que d’autres puissent rester dans l’illusion de leur innocence ? Et bien non, d’abord parce que Jack n’aurait jamais laissé mourir Milliken, la situation ne l’exigeait pas, comme elle l’exigera par exemple de son point de vue lorsqu’il laissera mourir Paul Raines dans une scène marquante de la saison 449. En outre, le fait même que dans la suite de l’échange Sherry contraigne David à se rendre activement complice de son crime, pour sauver sa peau, enlève tout caractère héroïque à sa posture, si elle l’avait jamais secrètement été jusque-là. À nouveau, Jack, notre boussole utilitariste, n’aurait pas agi ainsi.

Ces réserves formulées, on peut cependant proposer l’analogie suivante : de même que Sherry Palmer finit par mettre David face à ce qui peut être considéré comme une hypocrisie foncière de sa part, de même 24 heures chrono contraint son spectateur à assumer plus pleinement ses options morales : il prétend, et croit peut-être sincèrement, être attaché à tel ou tel principe, mais assume-t-il le fait que sa posture n’est peut-être possible que grâce à la compromission d’autres ? Et s’il ne l’assume pas, est-il véritablement prêt à payer le prix que le respect des principes pourrait engager ? Autrement dit, cet attachement est-il réel, ou n’est-il qu’une posture ?

Plus généralement au niveau politique, lorsque les États conduisent des actions en contradiction avec les principes qu’ils prétendent défendre, ils le font normalement en secret. Or non seulement celui-ci permet d’optimiser leurs chances de succès, mais il conforte le déni plausible des personnes au bénéfice desquelles ces actions sont conduites : les citoyens au service desquels sont ces États. Dans quelle mesure alors ceux-ci participent-ils activement, comme David avec Sherry, à la construction de leur déni plausible ? Alors, que 24 heures chrono soit réaliste ou non, que l’image que la série donne de ce qui se trame dans les coulisses des États soit déformée ou non, sachant que les avis contradictoires formulés à ce sujet par les experts sont nécessairement soumis à caution, reste que la série engage le spectateur à participer à une réflexion partagée sur le degré de contradiction performative qu’il tolère, pour lui-même, et pour l’organisation politique des fruits de laquelle il bénéficie. Suffit-il que certaines actions des conséquences desquelles nous bénéficions soient conduites sans participation active de notre part, et que nous en ignorions le détail, si ce n’est le principe, pour que nous en soyons innocents ? Et si non, que pouvons-nous faire ? Que pouvons-nous faire si ce n’est nous engager sans réserve pour que plus rien ne soit jamais fait en notre nom que nous n’assumerions pas moralement ? Et qu’en est-il encore des actions immorales passées dont nous bénéficions dans le présent ? Où s’arrêter ?

Conclusion

Alors, la série 24 heures chrono rend-elle ses spectateurs meilleurs ? D’abord la question se pose de savoir si vous aviez avant de regarder la série une position morale cohérente, au moins en termes d’utilitarisme et de déontologisme, si vous aviez conscience de l’avoir ou si vous croyiez seulement l’avoir. Se pose aussi la question de savoir qui en juge : si vous avez affaire à un déontologiste ou un utilitariste obtus, il considérera que vous êtes devenu meilleur seulement si vous avez maintenu ou adopté au final la position qu’il défend. Supposons qu’il n’en soit pas ainsi et examinons différents cas maïeutiques possibles.

Peut-être tel Ménon êtes-vous sorti de 24 heures chrono « plein d’embarras », tout étourdi, et vous ne savez plus que penser : alors oui, 24 heures chrono vous a rendu meilleur. Il faut continuer de chercher.

Ou supposons que vous étiez initialement utilitariste, et qu’après avoir vu la série vous l’êtes resté. Ou qu’au contraire, vous étiez déontologiste, et l’êtes resté. Votre position a-t-elle jamais été ébranlée ? Êtes-vous resté toujours sûr qu’il fallait/ne fallait pas agir en utilitariste ? Que la série vous ait permis ou non de résorber quelques incohérences dans votre position morale, si 24 heures chrono vous a permis de mieux la comprendre, alors oui, 24 heures chrono vous a rendu meilleur. Et plus encore si vous comprenez désormais mieux la position morale que vous ne partagez pas, y compris peut-être celle de certains terroristes. Le déontologiste et l’utilitariste non obtus, s’ils regretteront sans doute que vous n’ayez au final pas adopté leur position, devraient admettre que ce gain en compréhension représente malgré tout un progrès moral pour vous.

Mais supposons que vous étiez ou pensiez être déontologiste et que vous avez en votre for intérieur, avec dégoût peut-être, approuvé Jack dans ses exactions ? Avez-vous fini par reconnaître qu’en fait votre approbation, malgré le dégoût que vous en aviez, était le signe que vous étiez en fait utilitariste ou l’étiez devenu ? Ou supposons que vous étiez ou pensiez être utilitariste et que vous avez en votre for intérieur, avec dégoût peut-être, approuvé Jack dans ses exactions ? Avez-vous fini par reconnaître que c’en était trop, que l’utilitarisme conduisait à accepter l’inacceptable, et que vous étiez en fait déontologiste ou l’étiez devenu ? Le déontologiste et l’utilitariste non obtus, s’ils regretteront sans doute que vous n’ayez au final pas adopté leur position, devraient admettre que ce gain en cohérence représente malgré tout un progrès moral pour vous. 24 heures chrono vous a rendu meilleur.

Ainsi donc, dans tous les cas, 24 heures chrono rend ses spectateurs meilleurs… Mais que faire alors des exemples, rapportés dans divers témoignages, d’amateurs de 24 heures chrono qui ont essentiellement retenu comme message que la violence était acceptable ? Le déontologiste, pas grand-chose, il s’agit de conséquences. Mais le conséquentialiste ? N’est-il pas tenu de les prendre en compte dans son évaluation morale de la série ? Il faudrait peut-être alors dire plutôt : 24 heures chrono devrait rendre les spectateurs meilleurs. Et, si ce n’est pas l’action effectivement produite par la série, se demander pourquoi et que faire, par exemple en termes d’accompagnement au visionnage, ou plus largement d’éducation morale et politique du citoyen.

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THOMSON J. J., « Killing, Letting Die, and the Trolley Problem », The Monist 59(2), Philosophical Problems of Death, avril 1976, p. 204-217.

Notes

1. E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs [1785], trad. fr. V. Delbos, Paris, Delagrave, 1954, p. 137.

2. Sur ce point voir par exemple L. Debriey dans « Le formalisme pratique, de la morale à l’éthique », Philosophiques 32(2), 2005, p. 319-342 [https://doi.org/10.7202/011870ar], ou R. Ehrsam, qui le cite, dans « Les intentions morales au croisement de l’universel et du singulier : relire Kant », Philosophie 121(2), 2014, p. 50-75 [https://doi.org/10.3917/philo.121.0050]. Il est à noter que, dans son article, Raphaël Ehrsam développe une autre interprétation de l’impératif catégorique.

3. Voir notamment M. Terestchenko, Du bon usage de la torture. Ou comment les démocraties justifient l’injustifiable, Paris, La Découverte, 2008 [https://doi.org/10.3917/dec.teres.2008.01] ; l’article de R. Künstler dans ce recueil (1re édition : « Le pouvoir détériorant de la fiction », Nouvelle revue d’esthétique 17(1), 2016, p. 123-138 [https://doi.org/10.3917/nre.017.0123]), et l’article de Th. Touret-Dengreville dans ce recueil également, auxquels mon propre texte (présenté dans sa forme initiale comme un dialogue engagé avec Raphaël Künstler pour le colloque Philoséries de 2011 qui portait sur la série) constitue une sorte de réponse. Je demande au lecteur de considérer que ce renvoi vaut pour d’autres qui auraient été possibles ensuite – mais je préfère éviter d’alourdir davantage mon appareil de notes déjà consistant.

4Cf. « Let the record show this is the third day of this Senate hearing investigating human rights violations by the recently disbanded Counter Terrorist Unit », 24 heures chrono, saison 7, épisode 1.

524 heures chrono, saison 7, épisode 1.

624 heures chrono, saison 7, épisode 14.

7. Septembre 2000 : sondage CSA pour Amnesty International (1005 personnes) [note 8 du rapport cité].

8. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Un monde tortionnaire. Rapport ACAT 2016, https://www.acatfrance.fr/public/rapport_umt_2016_acat.pdf, p. 28.

9. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Un monde tortionnaire. Rapport ACAT 2016, https://www.acatfrance.fr/public/rapport_umt_2016_acat.pdf, p. 225-234.

10. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Un monde tortionnaire. Rapport ACAT 2016, https://www.acatfrance.fr/public/rapport_umt_2016_acat.pdf, p. 237-242.

11. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Un monde tortionnaire. Rapport ACAT 2016, https://www.acatfrance.fr/public/rapport_umt_2016_acat.pdf, p. 245-251.

12. J. Lartéguy, Les centurions, Paris, Presses de la Cité, « Presses Pocket », 1960.

13. J.-B. Jeangène Vilmer, 24 heures chrono. Le choix du mal, Paris, P.U.F., 2012, p. 123.

14. « Se le atribuye a Los Centuriones la primera exposición del tristemente célebre “escenario de la bomba de relojería”, la justificación retórica, principal y siempre reeditada de la tortura para encontrar una bomba que está a punto de estallar », Jérémy Rubenstein, « La doctrina militar francesa popularizada. La influencia de las novelas de Jean Lartéguy en Argentina », Nuevo Mundo Mundos Nuevos (en ligne), Colloques, 06 juin 2017, § 2, [https://doi.org/10.4000/nuevomundo.70524] (traduction de S. Allouche).

1524 heures chrono, saison 7, épisode 1.

1624 heures chrono, saison 7, épisode 10.

1724 heures chrono, saison 2, épisode 2. « Possibly the most famous line from the series » dit « John Gormley – 24 Mega Fan » qui a mis en ligne la scène sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=RkT_dYJIMK0, 12 décembre 2016.

18. J.-B. Jeangène Vilmer, 24 heures chrono. Le choix du mal, Paris, P.U.F., 2012, p. 75.

19. J.-B. Jeangène Vilmer, 24 heures chrono. Le choix du mal, Paris, P.U.F., 2012, p. 72 et p. 79. Les extraits cités sont tirés de 24 heures chrono, saison 3, épisode 18.

2024 heures chrono, saison 1, épisode 4.

2124 heures chrono, saison 2, épisode 11.

2224 heures chrono, saison 7, épisode 10.

23. Mais S. Laugier aborde la question son article au sein de ce recueil, et j’y reviens moi-même en fin de parcours.

24. Voir Ph. Foot, « The Problem of Abortion and the Doctrine of the Double Effect », Oxford Review 5, 1967, pour la formulation originale du dilemme, et par exemple J. J. Thomson, « Killing, Letting Die, and the Trolley Problem », The Monist 59(2), Philosophical Problems of Death, avril 1976, p. 204-217. V. Nurock discute justement de la question du « double effet » dans son article au sein de ce recueil.

2524 heures chrono, saison 7, épisode 14.

2624 heures chrono, saison 7, épisode 14.

27. J.-J. Rousseau, Du contrat social ou Principes du droit politique, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1762, p. 12-13.

28. E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs [1785], trad. fr. V. Delbos, Paris, Delagrave, 1954, p. 150-151.

2924 heures chrono, saison 7, épisode 14.

30. L.-A. Dorion, Socrate, « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 2004, p. 55.

31. L.-A. Dorion, Socrate, « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 2004, p. 56.

32. L.-A. Dorion précise en note qu’il emprunte l’expression à Gregory Vlastos.

33. L.-A. Dorion, Socrate, « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 2004, p. 57.

34. Platon, Ménon, trad. fr. M. Canto-Sperber, Paris, Flammarion, 1991, 80a-b ; cité par L.-A. Dorion, Socrate, « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 2004, p. 58.

35. L.-A. Dorion, Socrate, « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 2004, p. 58.

36. R. Künstler, « La série 24 heures chrono a-t-elle le pouvoir de nous rendre plus mauvais ? », dans ce recueil (1re édition : « Le pouvoir détériorant de la fiction », Nouvelle revue d’esthétique 17(1), 2016, p. 123-138 [https://doi.org/10.3917/nre.017.0123], p. 124).

37. R. Künstler, « La série 24 heures chrono a-t-elle le pouvoir de nous rendre plus mauvais ? », dans ce recueil (1re édition : « Le pouvoir détériorant de la fiction », Nouvelle revue d’esthétique 17(1), 2016, p. 123-138 [https://doi.org/10.3917/nre.017.0123], p. 137).

38. R. Descartes, Œuvres philosophiques, vol. II, Paris, Classique Garnier, 1999, p. 414 ; cité par R. Künstler, « La série 24 heures chrono a-t-elle le pouvoir de nous rendre plus mauvais ? », dans ce recueil (1re édition : « Le pouvoir détériorant de la fiction », Nouvelle revue d’esthétique 17(1), 2016, p. 123-138 [https://doi.org/10.3917/nre.017.0123], p. 137).

39. Platon, La République, Livre VII, Œuvres complètes, trad. fr. É. Chambry, Paris, Garnier, t. 7, 2 e partie, 1949, https://fr.wikisource.org/wiki/La_République_(trad._Chambry)/Livre_VII.

4024 heures chrono, saison 3, épisode 11.

4124 heures chrono, saison 3, épisode 15.

4224 heures chrono, saison 3, épisode 16.

4324 heures chrono, saison 3, épisode 16.

4424 heures chrono, saison 3, épisode 16.

4524 heures chrono, saison 3, épisode 12.

4624 heures chrono, saison 3 épisode 11.

4724 heures chrono, saison 3, épisode 16.

4824 heures chrono, saison 3, épisode 16.

4924 heures chrono, saison 4, épisode 20.

Citation

Sylvie Allouche, « La série 24 heures chrono a-t-elle le pouvoir de nous rendre meilleurs ? », dans Sylvie Allouche (éd.), 24 heures chrono, naissance du genre sécuritaire ? Archive ouverte J. Vrin, visité le 20 avril 2024, https://archive-ouverte.vrin.fr/item/allouche_la_serie_24_heures_chrono_a-t-elle_le_pouvoir_de_nous_rendre_meilleurs_2021

Auteure

Sylvie Allouche est maîtresse de conférences en philosophie à l’UCLy (EA 1598 Confluence) et chercheuse au sein de l’ERC Advanced Grant DEMOSERIES, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

allouche.sylviegmail.com

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