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Les expériences de pensée sont à la fois un instrument de la pratique philosophique et un stimulant pour l’imagination. La question ici posée est celle de la détermination de la valeur de ces expériences de pensée quand elles sont employées dans des œuvres de fiction. On répond que la mise en fiction d’une expérience de pensée, si elle reste associée à une visée argumentative, rend le public moins apte à penser correctement et peut conduire à la remise en question de ses valeurs les plus fondamentales, mais pour de mauvaises raisons. La puissance qu’a la fiction de mettre en scène ces scénarios imaginaires la munit donc du pouvoir de détériorer son public. Afin de justifier cette thèse, l’article s’appuie sur une analyse de la manière dont la série 24 heures chrono met en scène l’expérience de pensée de la bombe à retardement.
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24 heures chrono met en scène l’opposition entre les deux grandes théories morales que sont l’utilitarisme et le déontologisme autour de la question de savoir si la fin justifie ou non les moyens. Or certains critiques de 24 heures chrono, choqués en particulier par le traitement de la torture dans la série, lui reprochent de manipuler les spectateurs de façon à tous les transformer en utilitaristes assoiffés de torture, autrement dit à les déteriorer sur le plan moral et à les rendre mauvais. Je montre au contraire que 24 heures chrono rend son spectateur meilleur, ou du moins devrait le rendre meilleur, et m’appuie principalement pour ce faire sur la difficulté pour le déontologiste rigoureux de ne pas se rendre coupable de contradiction performative, notamment celle qui consiste à utiliser des arguments de structure utilitariste pour défendre une position déontologiste.
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L’article explore les liens entre le masochisme moral du personnage principal de 24 heures chrono, Jack Bauer, et les catastrophes terroristes à répétition qui forment son univers. D’une part, la série vise, à travers le jeu des identifications proposées aux spectateurs, à leur procurer une jouissance masochiste plutôt que sadique. Ce « fantasme culturel » offre une scène masochiste qui vient érotiser le trauma sociétal du 11 Septembre et opère comme une tentative d’élaboration de l’effroi et de la sidération. L’univers auquel Jack doit s’affronter est construit sur le mode traumatique du « tout est possible, même l’impossible ». L’auteure montre que la réalité de 24 heures chrono s’apparente à celle du rêve : condensation, déplacement, distorsion et dilatation du temps, incohérence et instabilité des identités, renversement des contraires, etc. Par sa compulsion à sauver le monde quel que soit le prix à payer pour lui-même, le sens moral de Jack résiste en grande partie aux explications psychanalytiques européennes comme à la nosographie nord-américaine. Comme si l’après-11 Septembre avait généré d’autres constellations morales ou psychologiques, des humains différents dont Jack offrirait un prototype. Ces humains, loin d’être infaillibles, feraient dans un univers instable l’expérience de leur vulnérabilité.
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